Hélène et les siens

Son CD consacré à Schumann et à Brahms dans la poche, la pianiste Hélène Grimaud repart en tournée. Rencontre, à la veille de son concert à Bruxelles

Disque paru chez DG. En concert au palais des Beaux-Arts de Bruxelles, le 13 décembre, à 20 heures : Chopin, Brahms, Rachmaninov. Tél. : 02 507 82 00 ; www.bozar.be

Elle est belle, sensible, intelligente, son don éclate dans tout ce qu’elle touche et pourtant rien ne lui semble jamais acquis… Née à Aix-en-Provence (où elle s’ennuyait ferme), très soutenue par ses parents, découverte à 11 ans par Pierre Barbizet au Conservatoire de Marseille, admise l’année suivante au Conservatoire de Paris où elle obtient tous les prix, accueillie au Midem en 1987 et immédiatement saluée par la critique, elle ne cessera d’enchaîner les succès. Bouleversée par la question de la sauvegarde des loups, elle fonde en 1999, à New York, un centre destiné à leur conservation, le Wolf Conservation Center. Dans la foulée, elle signe deux livres chez Laffont, Variations sauvages et Leçons particulières, marqués l’un et l’autre par une nature inquiète, exigeante, généreuse.

Enfin, tout récemment, avec un disque magnifique consacré au couple Schumann et à leur cher Johannes Brahms, elle semble avoir trouvé une nouvelle famille : Robert n’était-il pas, comme elle, poète, musicien et écrivain ?  » Je ne m’attendais pas à cette observation mais, en effet, et même s’il n’est pas le seul, Schumann est le musicien des mots par excellence, il éprouvait le besoin de retranscrire en musique les rythmes verbaux, de faire communiquer l’inspiration musicale et l’inspiration poétique. Mais on sait aussi que la musique est irréductible aux mots…  » Hélène parle très vite, sans chercher ses mots, sa pensée est vive et claire, toute son attitude atteste un souci de l’autre impressionnant.  » Dans mon activité d’écriture, j’accepte de me mettre en danger, de me retrouver au milieu de la rivière, sans repère et sans identité, c’est la condition pour pouvoir renaître, et pour être plus  » médium « . Je prends délibérément le risque de perdre le contrôle, d’accepter que l’écriture, si elle n’est pas une trahison, n’est quand même que le faible reflet de ce qu’on voulait exprimer, elle a sa propre vie. Cela vaut aussi dans mon travail de musicienne.  »

Etre  » médium  » ?  » Oui. Médium entre le compositeur et le public. C’est le rôle principal d’un interprète.  » Quelle est la responsabilité d’un artiste ?  » Mon sens des responsabilités le plus aigu, je le ressens à travers le Wolf Conservation Center. Et, en tant qu’artiste, je veux témoigner le plus haut possible de la capacité de la beauté à sauver le monde, la seule capacité qui distingue les hommes du reste de la création (même si certains animaux y ont sans doute accès partiellement). Le contact avec l’art doit ouvrir sur ce qu’il y a de plus beau en chacun de nous, et donner envie de le réaliser. On peut évidemment se dire que  » si l’art pouvait sauver le monde, ça se saurait « , mais le doute donne lieu à un dépassement de soi-même. De toute façon, on ne peut que continuer.  »

Martine D.-Mergeay

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