Glenn Audenaert, le flic cow-boy

Culoté ou mégalo, le bouillant patron de la PJF de Bruxelles a mis sa carrière en jeu en dénonçant publiquement la juge Francine De Tandt. Un quitte ou double.

M.-C.R.

Cette année encore, le patron de la police judiciaire fédérale (PJF) de Bruxelles, Glenn Audenaert, avait offert son pot de Nouvel An au palais d’Egmont. Le Premier ministre Herman Van Rompuy (CD&V) semblait embarrassé par la fiesta qui se déroulait en ce haut lieu de la diplomatie. Le superflic a englouti son budget  » frais de représentation  » de l’année et puisé dans sa cassette personnelle pour honorer ses hôtes, avec le mélange des genres qui le caractérise, sous l’£il avide des caméras. En Flandre, Glenn Audenaert est une superstar.

Aux côtés du Premier ministre, du président de la Chambre, Patrick Dewael (Open VLD), et de celui du Sénat, Armand De Decker (MR), se pressait une foule de Bekende Vlamingen, vedettes du foot ou de la télé. Du Glenn pur jus. Rutilant, imprudent, grande gueule. Une vraie mentalité de  » péjiste « , ricanent d’anciens gendarmes. Mais, avec l’affaire De Tandt, Peeters et consorts, le commissaire bling-bling pourrait bien avoir été un pont trop loin.

Sa déclaration dans La Dernière Heure du 16 août –  » Tout ce qui est écrit dans le Tijd est vrai  » – ressemble à s’y méprendre à une rupture du secret professionnel. Il ajoutait :  » Je n’en dirai pas davantage parce que toute indiscrétion pourrait constituer un vice de procédure et compromettre l’aboutissement du dossier.  » Dans son édition du 14 août, le journal financier flamand révélait l’existence d’un rapport confidentiel de la PJF de Bruxelles signé Glenn Audenaert, dénonçant, au ministre de la Justice, Stefaan De Clerck (CD&V), la tentative, par des magistrats du parquet près la cour d’appel de Bruxelles et près la Cour de cassation, d’étouffer un système organisé de corruption au sein de la magistrature. La fuite dans le Tijd n’avait rien d’innocent. Pas sûr que De Clerck, qui détenait ce rapport explosif depuis le 9 juillet, ait apprécié d’être mis sous pression.

Qui contrôle le directeur judiciaire ?

Ni le directeur général de la police judiciaire fédérale, Paul Van Thielen, ni le commissaire général de la police fédérale, Fernand Koekelberg, n’étaient au courant de la démarche épistolaire de Glenn (comme tout le monde l’appelle familièrement), même si, d’après des sources internes, Van Thielen avait pourtant conseillé à Audenaert d’envoyer un  » officier  » au cabinet de la Justice. Se mettre lui-même en première ligne ? C’est très typique du personnage. Sur son bureau, à la  » tour IBM  » du square Victoria Regina, à Schaerbeek, trône un képi sur lequel est brodé le chiffre 105. C’est l’article de la loi sur la police intégrée qui décrit le statut hybride, très indépendant, des directeurs judiciaires d’arrondissement de la police fédérale. Des hommes puissants, qui, du fait de leur travail en lien avec l’institution judiciaire, ne sont pas contrôlés suivant une ligne hiérarchique classique et traitent d’égal à égal avec le procureur du roi. En l’occurrence, à Bruxelles, Bruno Bulthé, un homme avec lequel Audenaert s’entend bien. Mais c’est de la cour d’appel et de la Cour de cassation que se méfie bruyamment le policier…

A-t-il fourni assez d’informations sur Francine De Tandt, présidente du tribunal de commerce de Bruxelles, pour justifier l’enquête à charge et à décharge que le ministre de la Justice a confiée au procureur général près la cour d’appel de Bruxelles ? Il y a intérêt. Lorsqu’il ambitionnait de prendre la tête de la police fédérale et qu’il a échoué, loin derrière Fernand Koekelberg, Audenaert n’avait-il pas confié, amer :  » Le politique ne me prend pas au sérieux.  » Agé de 54 ans, ce Gantois d’origine, domicilié à Knokke, a toujours pris des risques, porté par son tempérament explosif, convivial, dévoré d’ambition.

Enquêteur financier à l’ex-PJ (police judiciaire près les parquets), il a joué un rôle clé dans le dossier de fraudes et de détournements à charge de l’entreprise west-flandrienne Beaulieu-De Clerck, en 1990. Cela lui a valu la réputation de tombeur de  » cathos  » et, par la suite, un bouclier VLD à toute épreuve. Poussé par l’ancien ministre de la Justice Marc Verwilghen (Open VLD), il décroche la direction de la PJF (ex-SJA) de Bruxelles, alors que les cendres de la bagarre gendarmerie-PJ sont encore chaudes. Il réussit à faire travailler ensemble des enquêteurs de cultures différentes mais s’entoure d’une garde rapprochée qui doit plus à d’ex-gendarmes ou ex-membres de la Sûreté de l’Etat qu’à d’anciens  » péjistes « . La PJF de Bruxelles (environ 600 hommes) est la plus importante du pays. Elle a aussi le plus beau tableau de chasse (80 % des dossiers judiciaires traités par les PJF) avec, en portefeuille, des matières  » sexy  » comme le terrorisme, dans lesquelles il aime jouer  » perso  » (voir la vraie-fausse alerte terroriste de Noël 2007). Il s’est d’ailleurs mis en délicatesse avec la Sûreté de l’Etat.

Car le commissaire maîtrise mal sa faconde ( lire encadré ci-après). Sûr de ses appuis politiques, sûr de son bon droit. Hormis deux enquêtes, le Comité permanent de contrôle des services de police (comité P) ne s’est jamais intéressé de trop près au bouillant personnage. Sa présence sur le yacht d’un milliardaire russe surveillé par la Sûreté de l’Etat, il y a quelques années ? Bof. Ses liens avec le négociant louvaniste François De Kelver en litige avec l’avocat Robert Peeters qui, lui-même, voue une haine corse au policier ( lire en page 20), ? Rien de pendable. Dans la vie d’un flic haut placé, n’importe quel contact, même borderline, peut être mis sur le compte de la profession.

M.-C.R.

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