Georges Leekens, cocu pas magnifique

Alexandre Charlier
Alexandre Charlier Journaliste sportif

Le  » Premier ministre  » des Diables rouges plaque l’Union belge de football pour se faire… limoger au FC Bruges, quelques coups foireux plus tard.

C’est Tintin qui gagnerait la lune sans fusée à damiers : Georges Leekens abandonne  » ses  » Diables rouges. L’événement se produit à la surprise générale le 13 mai 2012. Et l’annonce fait l’effet d’une bombe, en Belgique, car vingt-quatre mois plus tôt, le plus connu des natifs de Meeuwen s’était profilé et vendu en sauveur du football belge. Humblement.

Son caractère belgicain avait en effet plu et convaincu des dirigeants de l’Union belge de football aux abois ayant ridiculement  » consommé  » Dick Advocaat puis Franky Vercauteren. On s’est donc subitement souvenu à un étage au moins de la Maison de verre que  » Mac The Knife  » avait qualifié les Diables rouges pour la Coupe du monde 1998 en France. Cependant, déjà à l’époque, Georges Leekens avait reçu son bon de sortie pour résultats insuffisants. La rengaine pour l’ami Georges de devoir quitter la direction d’une équipe avant le terme de son engagement. En 28 ans de coaching, il a connu 20 clubs – pour partir-revenir à six reprises… – et n’a été que trois fois au terme de son contrat !

Là, tout de même, l’équipe nationale belge, ce n’était ni Courtrai, ni Mouscron, ni Malines, ni Lokeren, ni le Cercle de Bruges, ni l’Algérie. En plus, Georges Leekens était appelé en  » démineur  » au moment où la Belgique avait très mal à son Etat fédéral… Or l’homme, né malin, a construit sa réputation sur sa connaissance inégalée des particularités et sensibilités des deux grandes communautés du pays. C’est donc lui qui a réellement rallumé la flamme patriotique en faisant croire à un retour des Diables rouges au plus haut niveau international et à la nostalgique époque de Mexico 86.

Le 10 mai 2011, le stade roi Baudouin était bouillant comme jamais pour accueillir, dans le cadre des qualifications pour l’Euro 2012, une équipe turque  » prenable « . A l’ombre de l’Atomium, dans de festives travées noires-jaunes-rouges, on voyait se balader un immense calicot :  » Leekens Premier ministre !  » Le problème est que le soufflé allait vite retomber : 1-1 contre la Turquie et, ensuite, de multiples incidents entre un coach vieillissant (63 printemps) et des gamins trimbalant (enfin) avec succès leur insolent talent dans les plus grands clubs d’Europe. Eden Hazard (sociétaire de Lille avant de rejoindre Chelsea) a illustré le paroxysme d’un malaise créé avec un coach qui applique sa même recette depuis 1984 et son premier club, le Cercle de Bruges : sens de l’engagement, travail et recherches tactiques rudimentaires, kyrielle de clins d’oeil entendus pour étouffer crisettes ou crises, petits ou grands foyers médiatiques.

Georges Leekens a progressivement perdu de sa superbe. Et ses vieux démons ont ressurgi lorsque les marketing managers du nouveau Club de Bruges ont allongé 4 millions d’euros devant ses envieuses rétines pour l’arracher à ses hautes responsabilités à l’Union belge. Expert en communication – il donne aujourd’hui encore des séminaires richement rémunérés à des cadres ravis de quitter un moment le mess de leur entreprise… -, il aura des paroles foireuses pour expliquer l’inexcusable :  » J’ai réalisé 90 % du travail avec les Diables ; bonne chance à mon successeur…  »

Après des semaines d’atermoiements, les dirigeants de l’Urbsfa se dirent que ce Marc Wilmots, dont ils n’avaient jamais fait leur premier choix, confortés par une presse surtout flamande rétive, serait à même de faire diversion aux yeux du grand public. Avec un bilan de 10 points en 4 matches et une première place de groupe de qualification, les troupes de Wilmots ont un authentique espoir de se qualifier pour  » Brazil 2014 « , douze ans après la Coupe du monde au Japon et en Corée du Sud. Avec son style  » proche des gens « , Wilmots fait rêver la nation. Beaucoup de Belges ont souri lorsque Georges Leekens, cocu pas magnifique, a reçu son bon de sortie au Club de Bruges en novembre. Ne vous inquiétez pas pour lui, il retrouvera du boulot dans le football où tout se recycle.

ALEXANDRE CHARLIER

L’homme, né malin, a construit sa réputation sur sa connaissance inégalée des sensibilités des deux communautés du pays

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