Francis Alÿs : le retour de l’enfant prodige

Cela ressemble à s’y méprendre à de somptueuses dépenses d’énergie pour des résultats d’une extraordinaire inutilité ! Mais au-delà des apparences, l’ouvre singulière et troublante de Francis Alÿs accuse – non sans charge poétique – les écueils politiques.

Nul n’est prophète en son pays ! Si loin qu’on aille, les amoureux d’art contemporain nous envient ouvertement nos artistes belges… Alors qu’ils pourraient lustrer notre fierté nationale, certains passent ici totalement inaperçus. Cet anonymat immérité est le lot de Francis Alÿs (Anvers, 1959). A notre décharge, il faut reconnaître que l’artiste cumule. Exilé à Mexico depuis le milieu des années 1980, il n’est représenté par aucune galerie et n’avait encore jamais fait l’objet d’une grande exposition monographique en Belgique.

Seul ou en groupe

Présentée initialement à la Tate Modern (Londres) et programmée dans quelques mois au MoMA (New York), sa rétrospective – intitulée  » A Story of Deception  » – s’est fixée au Wiels. L’enjeu est énorme et la pression à son comble ! L’escale bruxelloise compte sortir de l’ombre celui qui attire, depuis de nombreuses années, les projecteurs étrangers. Quoiqu’un brin tardif, l’événement peut se targuer d’un point positif : le public pourra d’un seul coup découvrir et apprécier toute l’étendue du talent de Francis Alÿs. Pas moins de 18 films mais aussi des peintures, dessins et installations directement associés à ses tours de force sont exposés. Des travaux  » renommés « , étayés d’£uvres qui viennent de quitter l’atelier, composent le parcours.

S’interrogeant sans cesse sur le sens et l’utilité de certaines de nos actions, Francis Alÿs nous présente des personnages confrontés à des tâches aussi simples que pénibles… Des actes d’autant plus interpellants qu’ils sont d’une futilité absolue ! La vidéo intitulée  » Paradox of Praxis I  » (1997) et sous-titrée  » Sometimes Making Something Leads to Nothing  » (Parfois, faire quelque chose ne mène à rien) illustre cette tendance à la perfection. Sans se préoccuper de ce qui l’entoure, l’artiste marche dans les rues du centre de Mexico en poussant un bloc de glace. Fondant inexorablement, la charge diminue au point de n’être plus qu’une minuscule flaque d’eau. En réalité, le périple dure neuf heures résumées en un film de cinq minutes. Une action déconcertante pour dénoncer l’échec des stratégies de modernisation de l’Amérique latine et la frustration ressentie quotidiennement par les habitants de Mexico qui tentent d’améliorer leurs conditions de vie. En vain.

A côté de l’homme seul, noyé dans une ville anxiogène ou tentaculaire, il y a aussi des expériences collectives.  » When Faith Moves Mountains  » (2002) (Quand la foi déplace des montagnes) permet de montrer l’impact que peuvent avoir des actions fédératrices. Avec cinq cents étudiants péruviens, l’artiste déplace de quelques centimètres une dune de sable de la périphérie de Lima. Une action visuellement des plus spectaculaires pour une expo qui ne l’est pas moins.

Francis Alÿs. A Story of Deception, Wiels, Centre d’art contemporain, 354, avenue Van Volxem, 1190 Forest. Jusqu’au 30 janvier 2011. www.wiels.org

GWENNAËLLE GRIBAUMONT

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