France Besancenot, le facteur people

Invité sur le plateau de Vivement dimanche, le jeune leader trotskiste français accède au rang de star anti-Sarkozy. Ce révolutionnaire atypique a su gagner une vraie popularité. Et compte bien s’en servir.

Le 11 mai 2008, le porte-parole de la groupusculaire Ligue communiste révolutionnaire sera l’invité vedette de Vivement dimanche, émission de trois heures animée par Michel Drucker, sur France 2.  » Souhaitez-vous qu’il ait davantage d’influence dans la vie politique ?  » En répondant oui, à 41 %, à cette question, les Français ont installé le facteur trotskiste de Neuilly-sur-Seine dans le canapé rouge de l’ami des stars, juste après Ségolène Royal et avant Bertrand Delanoë. A 34 ans, le facteur à bicyclette est la nouvelle icône des ouvriers en lutte, si starisé qu’il doit signer des autographes à chacune de ses sorties. Même s’il n’a jamais exercé le pouvoir et n’en veut pas.

Cadet d’une famille de trois enfants, père enseignant, mère psychologue scolaire, il naît à la politique après un crime raciste nocturne, dont est victime un beur qu’il croisait régulièrement dans une cité voisine. Cet assassinat le révolte. Après une licence d’histoire, Besancenot en a marre des études. Il sera donc facteur, en 1998. Sa fiche de paie à 1 058 euros net par mois, pour un temps partiel à 70 %, est de celles que l’on peut montrer sur un plateau de télévision.

A 27 ans, il est candidat à la présidentielle. Il commence à la Poste de Neuilly, une banlieue parisienne aisée, à 5 h 45 du matin, effectue le tri du courrier pendant quatre heures avant de faire sa tournée à vélo pendant près de trois heures. Il travaille les mercredis, les jeudis, les vendredis et un samedi sur deux. L’après-midi, il récupère grâce à une petite sieste, avant de poursuivre avec ses activités politiques, réunions ou interviews. Les lundis et mardis sont consacrés à des déplacements auprès des salariés en lutte.

Besancenot prône l’augmentation de tous les salaires de 300 euros, la réduction du temps de travail à 32 heures sans flexibilité, avec embauches obligatoires… et l’interdiction des licenciements. Les Français le jugent sympathique, mais le trouvent-ils réaliste ? Il y a un gouffre entre sa popularité et celle de son organisation de 3 000 militants trotskistes.

Loin du militantisme sacrificiel, d’une vie de moine-soldat

Besancenot interdit à la politique de bouffer sa famille ou ses loisirs. Il peut dire :  » Je ne suis pas dispo pour cette réunion, car je m’occupe de mon gosse.  » Le mois dernier, il est parti avec sa compagne et leur fils de 4 ans et demi pour un voyage mi-privé, mi-politique de quinze jours en Amérique latine. A Cuba, il a rencontré la veuve et la fille du Che, ainsi qu’un responsable du PC à La Havane puis, au Venezuela, le ministre chargé des affaires européennes.

Besancenot semble loin de la vie de son aînée Arlette, adepte d’un militantisme sacrificiel, d’une vie de moine-soldat, sans enfant, sans attache. Lui, au contraire, ne cache pas sa passion pour le foot, en tant que joueur et spectateur. Besancenot tape le ballon chaque semaine avec des potes.  » Comme moi, il est supporter du PSG « , confie le Belge Richard Makela, alias Monsieur R, rappeur de ses amis, avec lequel il a enregistré un disque sur le Che et qui lui a offert L’Internationale en reggae pour sa campagne présidentielle.

Il s’est approprié la rhétorique communiste : les riches, les actionnaires du CAC 40, le Medef peuvent payer. En meeting, où ses discours durent soixante minutes, son éloquence impressionne toujours autant : comme il connaît son texte par c£ur, le jeune tribun peut y ajouter de l’intonation et de l’improvisation pour faire vibrer la salle avec lui.  » Son débit est proche de celui d’un rappeur ou d’un pasteur américain « , se régale Richard Makela. Il s’est aussi révélé un excellent débatteur télévisé face à des politiques chevronnés.

Le mois prochain, le leader de la LCR lance un nouveau parti anticapitaliste, dit  » NPA « . Il ne sera une réussite que s’il atteint les 10 000 membres. A défaut, ce ne serait qu’une LCR élargie à des syndicalistes et à des porteurs de tee-shirts du Che, un rafistolage dont l’extrême gauche est coutumière. Si le succès est au rendez-vous, pourra-t-il se contenter de la confortable position protestataire, refusant toute alliance avec la gauche de gouvernement ? Si son parti grandit, que ses scores électoraux augmentent, la pression pour un rapprochement sera plus forte.  » Participer au pouvoir n’est pas mon carburant, ceux qui y vont en sont ivres !  » déclarait-il en janvier. Mais ce rôle d’aiguillon du sarkozysme et de la gauche molle, à l’utilité limitée, ne va-t-il pas finir par lasser ?

François Koch

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