Foot La Belgique, vitrine de joueurs exotiques

Alexandre Charlier
Alexandre Charlier Journaliste sportif

Une cinquantaine de nouveaux non-Belges transférés durant le  » Mercato hivernal « . Partir, revenir…

Vingt-et-unième journée du championnat de Belgique de Division 1. Neuf rencontres au menu, dont le choc FC Bruges-Anderlecht. Sur les 243 joueurs en activité ce week-end-là, pas moins de 140 n’étaient pas belges. Soit 60 % environ. Durant la trêve hivernale, les clubs ont la permission de faire des emplettes, du 1er au 31 janvier. Et plutôt que de tenter de trouver leur bonheur sur le terrain domestique et de faire tourner en même temps le marché belge, les dirigeants ont massivement transféré de la main-d’£uvre étrangère. 51 joueurs sont ainsi venus gonfler le réservoir des non-Belges évoluant chez nous, portant leur nombre total à 230 !

L’Afrique est toujours bien représentée, mais l’Amérique latine connaît un regain d’intérêt (filière argentine à Anderlecht et au Germinal Beerschot Antwerp). Phénomène de mode sans doute, c’est la France qui a actuellement la cote. Inaugurée par La Louvière voici quelques années et très habilement exploitée par la famille Bayat à Charleroi, le filon est de plus en plus exploité. Mons et le FC Brussels, surtout, ont radicalement francisé leur vestiaire. L’intérêt ? Beaucoup de (bons) footballeurs sont au chômage dans l’Hexagone et de plus en plus de pros préfèrent se mettre en vitrine en D1 belge plutôt que de mériter leur jambon-beurre quotidien dans l’anonymat de la CFA (division inférieure). Les clubs belges s’y retrouvent parfaitement, sachant qu’a priori ces Français issus, pour la plupart, de centres de formation ne connaîtront guère de problèmes d’adaptation et ne risqueront pas la dépression.

Mais pourquoi un tel attrait pour une compétition belge dont la mauvaise réputation ne semble guère passer les frontières ? Soulignons, pêle-mêle, la présence massive et active de managers avides de rentabiliser, sous forme de commissions, leurs bonnes relations avec les dirigeants, directeurs techniques et autres entraîneurs. Le régime fiscal belge (18 % de taxes seulement pour les étrangers) est également fort apprécié dans le milieu du foot international. Il y a enfin le véritable paradis que représente la Belgique en matière de transit. N’importe quel oiseau exotique engagé par Beveren, Mons ou le FC Brussels déclarera, aussitôt atterri sous nos latitudes, qu’il entend vite redéployer ses ailes pour voler vers des contrées plus chaudes, plus prestigieuses et plus rémunératrices… Plus prosaïquement, notre pays sert de tremplin. Un simple passage pour gagner un jour l’Angleterre, l’Espagne, voire le Qatar. Le problème est que le championnat de Belgique attire de bien drôles de spécimens. Et, à quelques infimes exceptions près, on ne voit passer que des étrangers de seconde zone. Peu d’entre eux endosseront le maillot de Manchester United, de Valence ou du Milan AC… si ce n’est en vacances ou devant leur console de jeu, pour tuer le temps. Au mieux, ceux-ci feront une honorable carrière au sein de l’élite belge ou, au pire, se recycleront en D2 et même en D3 avec un salaire payé en partie au noir, assorti d’une promesse de naturalisation…

Le bonheur est dans le prêt

Le monde du football ne peut s’opposer à la libre circulation des travailleurs en vigueur au sein de l’Union. Michel Platini, nouveau président de l’UEFA, entend plaider une exception à ce principe auprès de la Commission européenne. En attendant une uniformisation éminemment souhaitable, certains pays appliquent leurs propres règles.

C’est ainsi que l’Angleterre et sa richissime  » Premier League « , véritable eldorado, prévoient un mécanisme de limitation de joueurs extracommunautaires. On applique des quotas par nationalité, et seuls les joueurs offrant la possibilité d’améliorer le niveau de la compétition sont acceptés. Effet pervers : les clubs anglais transfèrent massivement hors d’Europe puis placent leurs acquisitions dans des clubs amis. C’est le cas de l’Antwerp (D2) qui reçoit en  » leasing « , il est vrai, de jeunes Anglais encore trop tendres pour jouer dans l’un des meilleurs clubs du monde, mais aussi des joueurs au  » pedigree  » nettement plus exotique. Parfois, cela porte chance. C’est ainsi que le vieux club de la Métropole a pu compter près de trois saisons durant, sur un joueur inaccessible financièrement : l’international chinois Dong Fanghzou. Manchester Utd avait acheté cet excellent attaquant pour quelque 4 millions d’euros mais n’avait pu lui dénicher l’indispensable permis de travail. C’est ainsi que le club anglais avait placé Dong à l’Antwerp, qui en a bien profité sportivement.

Dans un marché complètement ouvert depuis l’arrêt Bosman, les clubs belges ont clairement choisi de mettre en veilleuse leur politique de formation des jeunes.  » A quoi bon dépenser des sommes importantes si c’est pour se faire ravir ses meilleurs éléments, sans juste défraiement « , se sont-ils justifiés. La tendance est heureusement en train de s’inverser : Genk, le Standard, le FC Bruges ou Anderlecht investissent tantôt dans leur structure (prospection de talents à Bruges ou à Genk), tantôt dans les infrastructures (Académie Louis Dreyfus, au Sart Tilman, et Centre de formation du Sporting d’Anderlecht, à Neerpede).

En effet, la seule possibilité envisageable pour nos clubs phares d’offrir un jour à leur public un joueur de niveau international est de le découvrir dans leurs propres rangs. Si – phénomène peu connu – pas moins de 75 pros belges sont employés en divisions 1 et 2 aux Pays-Bas, c’est non seulement dû au fait qu’ils sont mieux payés par les clubs néerlandais, mais aussi parce qu’ils ont vu leur carrière obstruée en Belgique par un Martiniquais, un Iranien ou un Koweïtien…

Alexandre Charlier

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