Figures libres et créations de pointe

Barbara Witkowska Journaliste

Dans un puzzle joliment ficelé, le festival Danseur invite à une réflexion sur l’écriture chorégraphique actuelle et tente d’y répondre par une dizaine de créations. Beau périple en perspective !

Piloté par Charleroi Danses, le festival en est à sa quatrième édition.  » Danseur est un manifeste, autrement dit, une manifestation, une déclaration et une réflexion sur le métier, l’art et le statut du danseur, explique Pierre Droulers, artiste associé à Charleroi Danses. Ce statut est frêle, la technique du danseur ne se manifeste pas en dehors du temps de la visibilité. Le danseur exprime quelque chose avec des moyens simples, prend son corps à témoin sans laisser de traces. Il interroge le mouvement, la gestuelle, l’immobilité et la chute. En posant la question « pourquoi tu danses ? », le festival donne carte blanche à plusieurs chorégraphes danseurs. Ils s’y révèlent sous toutes leurs coutures, dans la jeunesse ou la richesse de leurs parcours et la pluralité de leurs expressions. Ils rappellent aussi que le corps est la dimension première de l’amour. Etre danseur, c’est un concept de vie, c’est un comportement libre, unique, une résonance à l’état du monde.  »

Le festival proposera des  » petites formes  » : beaucoup de solos, parfois des duos et des trios. En guest star, Thomas Hauert nous régalera avec (sweet) (bitter), son nouveau solo (le premier depuis 2001 !). Depuis la création de sa compagnie Zoo en 1998, le chorégraphe et danseur suisse basé à Bruxelles excelle sur tous les tableaux : poétique, pictural et musical. La musique étant toujours en relation intime avec son travail, il nous invite cette fois à faire l’expérience d’une  » oeuvre qui danse  » baignée par un madrigal de Monteverdi.  » J’adore la musique baroque et surtout Monteverdi, nous dit le chorégraphe. Monteverdi a composé le madrigal Si dolce è’l tormento sur un texte de Carlo Milanuzzi. Le poème parle d’amour contrarié. La mélodie est très simple, mais Monteverdi en a fait un chef-d’oeuvre. Ce  » tube  » a été repris par plein de chanteurs dont Cecilia Bartoli et Philippe Jaroussky. Il y a eu aussi des adaptations jazz, pop et pop folk. Dans le spectacle, j’utilise plusieurs versions, classiques et contemporaines. La notion d’interprétation est très importante dans le projet. Le poème exprime en effet le conflit entre le plaisir de tendre vers un idéal et le tourment de savoir que ce but ne sera jamais atteint. Cette tension est le moteur universel de la vie mais qui prend autant de formes et d’interprétations qu’il existe de visions individuelles de l’idéal. Dans ce solo, mon corps cherchera à exprimer plusieurs interprétations.  »

Vincent Dunoyer, lui, rebrasse ses débuts avec l’oeil du sage qui a déjà accompli un sacré bout de chemin…  » Au début des années 1990, quand j’ai cherché à diffuser mes spectacles, les programmateurs me disaient : « Envoyez un DVD », raconte le chorégraphe. Le moment est venu où j’ai éprouvé le besoin de proposer un parcours-souvenir picorant dans mes vingt années de création. C’est une histoire sur des fragments de mémoire d’un danseur, un peu comme des scènes de film. Je lis, je dis, je fais exister la danse à travers les mots. En même temps, je suis présent avec mon corps et mes affects. Si l’oeuvre s’appuie sur la nostalgie, il y a aussi une projection vers le futur avec un regard sur la nouvelle génération pour que l’histoire continue à travers d’autres corps.  »

A épingler, aussi, les spectacles de François Chaignaud et Cecilia Bengolea ainsi que d’Yves-Noël Genod qui donnent, chacun à leur manière, un coup de jeune à la danse classique.

Danseur 2015, La raffinerie/ Les Brigittines. Du 23 au 26 avril. www.charleroi-danses.be

Barbara Witkowska

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