Festoyons sans honte !

N’est-il pas honteux de se goinfrer, à certaines périodes de l’année quand tant de gens meurent de faim ? Joseph Haboucha, Bruxelles

Joseph Haboucha, Bruxelles

A certaines époques de l’année, comme à l’occasion de cérémonies familiales, on festoie dans toutes les parties du monde. Sans doute, la nourriture ingurgitée, sous nos climats, est plus abondante qu’ailleurs. Sans doute aussi, chez nous, il y a moins de gens qui souffrent de faim que dans d’autres régions de la planète. Faut-il en frémir de honte? C’est là affaire personnelle et qui relève, donc, du « souci de soi ».

Trois raisons justifient que l’on se reproche sa « goinfrerie »: par religion, pour préserver sa santé ou par gêne sociale. Dans les deux premiers cas, c’est clairement un égoïsme bien compris qui s’affirme: assurer son salut en acquérant des mérites, prolonger sa vie et son confort de vie. Quant à celui que la misère du monde empêche d’apprécier des repas savoureux, comment ne pas voir qu’entre en jeu, là aussi, une manière de se situer – personnellement – par rapport à cettemisère. Dans un premier temps, on dit en substance: je ne peux supporter que tant de gens souffrent de la faim, du froid, de l’ignorance … quand je suis bien nourri, chauffé, instruit, etc. Pour ajouter ensuite: dorénavant, je mangerai moins, je donnerai mon argent, ou mon temps, aux associations qui tentent de soulager cette peine.

Cette attitude est tout à fait respectable et certainement plus convaincante qu’un égoïsme affiché sans vergogne. Son défaut est d’être morale et peu ou pas politique. Par là, il faut entendre non pas je ne sais quelle faute au sens où l’on commet un acte répréhensible mais une démarche peu efficace et, en fin de compte, tournée vers le contentement de soi. Entre une personne qui donne généreusement et un politicien qui, pour des motifs électoralistes, élabore les plans pour faire progresser l’agriculture d’une région et une plus juste répartition de ses produits, je choisis le second. Qu’importe les motifs élevés de l’être généreux et le calcul égoïste du responsable politique, seul compte – socialement parlant – le résultat, la nature du résultat. Dans le premier cas, une ou plusieurs personnes seront soulagées provisoirement, c’est-à-dire tant que durera l’effet de la générosité. Dans le second cas, un mode de vie (l’alimentation) sera durablement et positivement modifié.

Festoyons donc mais agissons de sorte que, politiquement et collectivement, notre pays contribue à l’éradication de la faim. Que nous le fassions par souci de moralité ou par calcul pour éviter que la misère qui mijote là-bas ne vienne troubler notre quiétude … importe peu.

Jean Nousse

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