Fausse route

Louis Danvers
Louis Danvers Journaliste cinéma

Entre documentaire et fiction, Michael Winterbottom évoque dans The Road to Guantanamo les mésaventures tragiques de jeunes Britanniques pris à tort pour des terroristes

Comment une petite bande de copains habitant les Midlands s’est retrouvée parmi les détenus de la prison de Guantanamo, Michael Winterbottom le raconte dans un nouveau film situé comme son précédent – In This World – aux confins de la fiction et du documentaire. The Road to Guantanamo suit la trajectoire de Ruhel, Shafiq, Monir et Asif, quatre jeunes Britanniques musulmans partis au Pakistan où le dernier nommé devrait célébrer son mariage avec une jeune fille d’un village proche de Karachi. Se rendant à la mosquée, ils sont exhortés par un imam à se rendre en Afghanistan pour y aider une population menacée par une guerre imminente. Nous sommes à l’automne 2001, et les attentats du 11-Septembre condamnent en effet le régime taliban, protecteur de Ben Laden, à une intervention militaire étrangère dont la perspective concrète se rapproche un peu plus chaque jour… Les combats commenceront juste au moment où les quatre amis arrivent à Kandahar. De  » touristes « , ils deviendront suspects de terrorisme lors de leur arrestation au beau milieu d’une foule de vrais talibans et de simples habitants fuyant le feu des bombardements. Sans rien comprendre à ce qui leur arrive, ils seront emprisonnés, interrogés, puis transférés par avion vers la fameuse prison américaine de Guantanamo, où ils resteront de longs mois avant d’être disculpés et renvoyés vers Tripton…

Michael Winterbottom mêle dans son film des plans documentaires où les rescapés témoignent, et des images (saisissantes) recréant leur périple et l’épreuve qu’ils ont subie. Certes, le cinéaste anglais prend pour argent comptant la version unilatérale des protagonistes quant aux motivations de leur présence à Kandahar. Certes aussi, jamais il ne prend de distance critique par rapport aux implications d’une ferveur islamiste alimentée par le séjour terrible sur la base américaine à Cuba. Mais les questions qu’il pose sur l’indifférence presque générale au risque d’erreur sur la personne et sur le régime d’exception pratiqué dans la geôle de Guantanamo méritaient d’être soulevées. La force parfois brutale des images cadrées avec un réalisme puissant souligne leur importance et l’exigence de droit – sans même parler de justice – qui ne saurait être ignorée par nos démocraties, même et peut-être surtout dans le contexte d’une lutte inévitable contre le terrorisme et le totalitarisme rétrogrades qui les menacent.

Louis Danvers

Vous avez repéré une erreur ou disposez de plus d’infos? Signalez-le ici

Contenu partenaire