Ars Memoriae (L'Invitation #005), Stephan Balleux (2020). © Stephan Balleux

État pictural

Cette exposition, on n’aurait pas osé la rêver. Elle dit la vitalité de la peinture plus sûrement qu’une encyclopédie sur le sujet. On doit cette passionnante proposition au critique d’art Claude Lorent, mémoire vivante réputée pour ses articles dans La Libre Belgique, qui prouve là que l’oeil ne s’émousse pas avec les années. Dans le cadre blanc et vitré de la Belgian Gallery, l’avisé commissaire aligne un tiercé gagnant d’artistes: Stephan Balleux (Bruxelles, 1974), Léa Belooussovitch (Paris, 1989) et Charles-Henry Sommelette (Aye, 1984).

Dès l’entrée, une composition monumentale fait face au regardeur. Il s’agit d’une Cascade d’Héraclite de six mètres de haut déposée à même le sol. L’oeuvre, selon l’aveu de Balleux, est à comprendre comme « une sorte d’arbre généalogique non exhaustif autour de la prise de position sociétale ». La toile ordonne des visages iconiques, de Nietzsche à Beckett, pris dans les eaux d’un torrent dont les contours fluides et impalpables disent le talent de l’artiste à… tordre le bras de la peinture. A une échelle plus réduite, Balleux présente également des interventions perturbatrices tel ce tourment nébuleux qui s’invite dans le décor suranné de l’Hôtel de Lafayette, à Paris. Soit une peinture sur document trouvé qui témoigne de la graphomanie de l’intéressé.

A côté de ce flux pictural invasif, plusieurs dessins aux crayons de couleur de Léa Belooussovitch font retomber la tension en anesthésiant la violence du réel, c’est sa marque de fabrique, sous une abstraction feutrée. Enfin, les plans immobiles et les intérieurs figés de Charles-Henry Sommelette achèvent de séduire l’amateur en auréolant le trivial. Le constat s’impose: tant que la peinture ajoutera du mystère au monde, rien ne sera vraiment perdu.

A la Belgian Gallery, à Namur, jusqu’au 26 juin.

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