ESPIONNAGE : DES BIENFAITS DE LA RÉCIPROCITÉ

Il y a peu nous apprenions d’Edward Snowden (1) que les Etats-Unis espionnaient nos conversations GSM et nos échanges de courrier électronique. Plus récemment l’on apprend que c’est le téléphone portable d’Angela Merkel qui est écouté par les services secrets américains. Il semblerait que 35 autres dirigeants soient également sur écoute régulière par la NSA.

Certains diront que cela ne devrait pas trop nous gêner puisque nous n’avons rien à cacher. Toutefois, cela pose un réel problème lorsque les informations collectées sont utilisées pour flouer les pays européens lors d’importantes négociations commerciales. Si les négociateurs américains connaissent toutes les cartes des dirigeants européens (grâce aux écoutes de la NSA) ils augmenteront considérablement leurs chances de remporter les contrats commerciaux. Notre santé économique dépend donc en partie de notre capacité à protéger nos secrets commerciaux.

Anatol Rapoport (2) démontra que la façon la plus efficace d’interagir dans toutes les relations humaines (individuelles ou de groupes) était la stratégie CRP : Coopération, Réciprocité, Pardon. Quand un individu rencontre un autre individu, le mieux est de toujours commencer par offrir sa coopération. Ensuite de passer à la réciprocité. Ce qui signifie que s’il nous rend un service, on lui rend également service. Mais s’il vous fait du tort, vous lui en faites également, avec la même intensité. Enfin, il convient de pardonner et repartir sur une base de coopération.

Je suis un ami des Etats-Unis. Mais je suis convaincu que la meilleure façon de conserver notre amitié est de se comporter avec eux comme ils se comportent avec nous. Certes, nous n’avons pas leurs moyens financiers. Il n’est cependant pas nécessaire de gaspiller autant d’argent qu’eux pour développer un service de renseignement très efficace. Pas besoin d’engloutir des milliards dans des systèmes électroniques sophistiqués. Il suffit de constituer une équipe qui se chargerait de suivre de près les dirigeants politiques et économiques américains. Les hasards de ma vie de psychologue m’ont fait rencontrer à Washington un psy qui dirigeait, au sein de la CIA, le service d’analyse de la personnalité. Il était entouré d’une toute petite équipe. Mais il me confia que ses analyses psychologiques des dirigeants des autres pays s’avéraient parfois cruciales lors de négociations difficiles. En m’informant, je constatai que l’Europe ne possédait aucun service similaire. Je suggère donc la création d’une agence de renseignement européenne (pas dirigée seulement contre les USA mais aussi contre les autres grandes puissances économiques rivales). Cette agence serait constituée de l’ensemble des pays de l’Union européenne. Sauf la Grande-Bretagne évidemment. Car elle est totalement inféodée aux Américains et que ses agences de renseignement préfèrent généralement travailler avec le Commonwealth plutôt qu’avec l’Europe continentale.

Une agence centrale européenne de business intelligence rétablirait un petit peu le déséquilibre de l’Europe face à ses rivales. En outre, je suis persuadé que les Américains se montreraient un peu plus respectueux de nos libertés, si on leur servait leur propre médecine. Mais je ne vous oblige pas à penser comme moi…

(1) Ex-employé de la NSA (National Security Agency)

(2) Biomathématicien, psychologue et philosophe russe émigré aux Etats-Unis.

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par Pascal de Sutter Psychologue politique.

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