Ensemble, vraiment

Louis Danvers
Louis Danvers Journaliste cinéma

Adaptation touchante par Claude Berri du roman d’Anna Gavalda, Ensemble, c’est tout a vécu un tournage mouvementé mais solidaire

Aujourd’hui encore, Claude Berri a bien du mal à retenir ses larmes quand il évoque le tournage de son nouveau film, une adaptation certes édulcorée mais pleine de justesse du beau roman d’Anna Gavalda. Cette dépression qui le mine depuis quelques années, et dont l’origine fut une tragédie familiale, l’a étreint si fort qu’au bout de deux semaines il se retrouva (littéralement) sans voix face aux acteurs et techniciens, avides pourtant de connaître les directives de leur metteur en scène…

C’est porté par un fort désir, pourtant, qu’il avait préparé la transposition du livre. Une £uvre qui l’avait marqué  » par son mélange de réalisme et de poésie « .  » Ce qu’Anna Gavalda y dit sur les rapports humains, les liens qu’établissent des êtres tous mal dans leur peau, qui se font du bien les uns aux autres, m’a énormément touché « , explique Berri. Lequel avait aussi été frappé par l’aspect cinématographique du roman,  » comme une invitation à en faire un film « . D’abord intéressé en tant que producteur, l’idée de réaliser lui-même Ensemble, c’est tout s’imposa au fur et à mesure de l’écriture du scénario.  » Je m’amusais beaucoup, je trouvais aussi en moi des résonances intimes, par exemple face aux rapports entre générations, car je n’ai moi-même jamais eu de grands-parents… « , commente l’adaptateur, qui eut aussi le plaisir de voir le livre devenir un immense succès tandis qu’il rédigeait son script.

L’histoire imaginée par Anna Gavalda prend pour personnages principaux une grand-mère, Paulette, son petit-fils pressé, Franck, le jeune excentrique chez qui Franck est logé, Philibert, et une voisine de ce dernier, Camille, solitaire et anorexique. Comment ces quatre personnages vont évoluer au contact les uns des autres, le roman (éd. Le Dilettante, et désormais en J’ai Lu) le narre dans un style vif et précis, avec tendresse mais aussi non sans une certaine acidité, que la transposition de Berri réduit sensiblement.  » J’avais envie surtout de faire aimer ces êtres, par-delà leurs défauts qui font qu’ils nous ressemblent « , commente le réalisateur qui a confié les rôles à un mémorable quatuor de comédiens complices.

Audrey Tautou (Camille), Guillaume Canet (Franck), Françoise Bertin (Paulette) et l’inattendu Laurent Stocker (Philibert) font merveille dans un film où leur apport ne s’est pas réduit à en être les interprètes. Quand la dépression eut raison des capacités de Claude Berri à s’exprimer verbalement, le tournage fut en effet saisi d’une sourde angoisse, qui amena tous et toutes à donner plus, sinon mieux dans un premier temps…

Mettre du baume au c£ur

 » Tout le monde se mêlait de tout, avec les meilleures intentions, pour aider Claude, mais avec le risque de tomber dans le n’importe quoi, comme quand vous voulez terminer à sa place la phrase d’un bègue qui veut en fait dire tout autre chose « , se souvient Canet.  » Sa condition nous a fait nous souder ensuite comme rarement sans doute une équipe de film l’a été « , ajoute Audrey Tautou. Dans une démarche que ses comédiens jugent  » à la fois humble et impressionnante « , Berri dut se résoudre à faire appel à son collègue François Dupeyron, qui allait devenir sa voix pour la suite des opérations.  » Tout était décidé par Claude, le film était fait dans son découpage, dans sa tête, mais il fallait le mettre dans la caméra. François était là pour mettre à exécution ses idées, ses envies et ses intentions qu’il n’était plus en état de communiquer clairement « , explique Guillaume Canet.

 » A la fin du tournage, le titre du film nous est apparu comme un signe « , conclut Audrey Tautou, pour laquelle émerge d’ Ensemble, c’est tout  » ce sentiment que tant d’entre nous éprouvent d’être parfois en décalage par rapport aux autres, et notre besoin de valeurs bienveillantes, qui donnent du baume au c£ur « . Un baume que Claude Berri dispense avec modestie dans un film très attachant qu’il refuse (malgré certaines évidences) à considérer comme un tant soit peu autobiographique.  » Il y a une fin heureuse, lâche-t-il douloureusement. Y en aurait-il une si je parlais de moi ?…  »

Louis Danvers

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