DSK dans le viseur

La vision d’une rutilante Porsche a relancé le débat sur la fortune de Dominique Strauss-Khan et de son épouse, Anne Sinclair. Un candidat à l’élection présidentielle pour le Parti socialiste peut-il être riche et le montrer ? Enquête sur le patrimoine du couple DSK-Sinclair.

La question se pose jusque dans son entourage : s’il est candidat, Dominique Strauss-Kahn passera-t-il ses vacances d’été dans son riad de Marrakech ?  » Il ira sûrement, car c’est sa maison, là où toute sa famille peut le rejoindre, détaille un proche. Mais il ira moins longtemps, et on trouvera des endroits où être vu en France. « 

C’est un problème de symbole, d’imaginaire collectif – et donc de politique. L’écho tonitruant qu’a suscité une photo du directeur général du Fonds monétaire international montant dans la Porsche de son ami Ramzi Khiroun, lors de son dernier passage à Paris, en dit long sur ce qui arrivera dès que DSK entrera en campagne.  » C’est le Fouquet’s avant l’heure !  » s’est aussitôt réjouie la droite.  » Il ne faudrait pas qu’il y ait un truc comme cela par semaine « , s’est inquiété un socialiste. Quelques jours plus tôt, DSK s’était rendu dans un bar-tabac : la presse en avait conclu qu’il s’était acheté un cigare -autre symbole.  » Il a pris une blague à tabac, c’est un fumeur de pipe « , assurent ses collaborateurs. Porsche, cigareà Voilà qui a démoralisé les plus fervents supporters de DSK, qui se consolent avec un espoir : que ces incidents servent de leçon. Car, jusqu’ici, Dominique Strauss-Kahn semblait vivre dans la plus totale insouciance. Après un tête-à-tête avec lui, l’un de ses visiteurs récents confie :  » Il n’a absolument pas conscience de la machine à laver que représente une bataille pour l’Elysée, du coup, il n’est pas du tout inquiet des questions sur l’argent qui pourraient se poser. « 

Dans une campagne, l’argent est rarement le bienvenu

Le cocktail se révèle pourtant toujours explosif. Le réel, le sous-entendu, l’inconscient ; et une campagne présidentielle, où les amalgames grandissent aussi vite que se répandent vraies controverses ou fausses polémiques. L’argent est rarement le bienvenu dans une telle période, et les précédents ne manquent pas, de la feuille d’impôts qui nuisit tant à Jacques Chaban-Delmas, exonéré grâce à un  » avoir fiscal  » tout à fait légal, aux conditions dans lesquelles la belle-famille de Jacques Chirac avait vendu des terrains ou aux relations financières qu’Edouard Balladur avait tissées avec une société.  » Ces attaques sont efficaces dès que le candidat fléchit ; lorsqu’il domine, elles restent dérisoires, relève un spécialiste de l’opinion. Avant 2007, Nicolas Sarkozy était maire de Neuilly, s’affichait avec des patrons, mais sa force politique a neutralisé toute charge sur cet aspect. « 

A un an de l’élection, DSK n’est pas encore candidat, mais il se trouve déjà à la place habituelle des favoris : dans le viseur. La droite aime s’en prendre à la gauche sous l’angle de la richesse. Dans les années 1990, le ministre français de l’Intérieur Charles Pasqua reprochait à l’ancien Premier ministre Laurent Fabius d’être né  » avec une cuillère en argent dans la bouche « . Aujourd’hui, quand ils évoquent DSK, les responsables de la majorité répètent une expression pleine de connotations :  » capitalisme mondialisé « . Ou comment faire entendre des choses sans les dire, parler d’une fonction, directeur général du FMI, tout en insistant sur un rapport avec l’argent.  » C’est le modèle du capitaliste ultramondialisé, pointe un ministre. Il est extrêmement fortuné et, en cela, il est le représentant le plus évident de toutes les hypocrisies de la gauche ultracaviar, sur le thème « Faites ce que je dis, pas ce que je fais ». C’est quand même compliqué d’incarner un candidat populaire quand on a un riad somptueux à Marrakech !  » Un autre :  » Comment représenter la gauche quand on symbolise la quintessence du capitalisme mondialisé ?  » Pour relativiser les attaques sur le  » président des riches « , la droite veut installer dans l’opinion l’image du  » candidat riche « .  » Ma montre, à côté de la sienne, apparaîtra comme un vulgaire modèle « , avait lancé Nicolas Sarkozy à quelques députés UMP parmi ses fidèles, le 11 mai 2010, moquant par la même occasion les bijoux d’Anne Sinclair.

La fortune du couple, c’est celle de Madame

A gauche aussi, le sujet est sensible, car l’argent reste un problème quasi culturel. François Hollande, dont la tirade de 2006,  » Je n’aime pas les riches « , avait marqué les esprits, prend un malin plaisir à présenter le combat qui l’oppose à DSK comme celui d' » une petite entreprise contre une multinationale  » – une formule, là encore, tout en sous-entendus.

Mais c’est à travers une joute intellectuelle que le malaise a émergé. Le 18 janvier 2010, dans Libération, Jacques Julliard publie  » 20 thèses pour repartir du pied gauche « . Parmi elles, cette recommandation :  » La gauche ne saurait être représentée, lors de l’élection présidentielle, par un représentant de l’establishment financier.  » La polémique est si vive que l’historien précise quelques jours plus tard :  » Je me serais, selon certains, livré à une attaque personnelle contre Dominique Strauss-Kahn. Il n’en est rien.  » Mais le sujet n’est pas clos.  » Un homme de gauche peut-il être riche ?  » s’interroge, toujours dans Libération, l’ancien conseiller de Lionel Jospin Aquilino Morelle, en rappelant qu' » il serait contraire à l’idéal de la gauche de condamner par principe un homme pour sa position sociale, qu’elle soit de naissance ou acquise « .

Les proches de DSK affûtent leurs armes pour se défendre. L’un d’eux explique :  » Il faut distinguer deux points : ce qu’il possède – il sera d’une totale transparence – et la manière dont il vit. Les gens savent qu’il a de l’argent, mais il ne possède aucune collection de valeur. Sa seule passion, ce sont des gadgets électroniques.  » La fortune du couple, c’est celle de Madame.

A ceux qui lui reprochent son salaire, le directeur général du FMI répondra qu’il est prêt à y renoncer pour s’occuper des Français – quand l’actuel chef de l’Etat n’a cessé de dire qu’il voulait  » faire de l’argent  » après l’Elysée.  » Une seule question se pose, veut croire la députée PS Marisol Touraine. Le fait que DSK est aisé pourrait-il le dissuader de mettre en place une taxation du capital ou une réforme de la fiscalité sur l’héritage ? Non !  » D’ailleurs, prévient un socialiste,  » on le verra dès sa déclaration de candidature – je pense que certains seront étonnés -, il se situera clairement à gauche « .

ÉLISE KARLIN ET ÉRIC MANDONNET, AVEC BENJAMIN SPORTOUCH ET MARCELO WESFREID

 » Il n’a absolument pas conscience de la machine à laver que représente une bataille pour l’Elysée ! « 

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