Dominique A prend de l’ampleur

Philippe Cornet
Philippe Cornet Journaliste musique

Sur Tout sera comme avant, Dominique A s’émancipe sous les arrangements aventuriers de la bande à Bashung

CD Tout sera comme avant, chez Labels/EMI. A signaler: la parution d’un recueil de nouvelles ( Tout sera comme avant, éd. Verticales), écrites par seize écrivains à partir des chansons du disque de Dominique A. Concert le 27 mai au Botanique, à Bruxelles. Tél. : 02 218 37 32.

Depuis une douzaine d’années, Dominique A mène un parcours intéressant, parsemé de musiques organiques, jouées dans une grammaire radicalement éloignée des vicissitudes du succès et des poses médiatiques. Avec Tout sera comme avant, ce trentenaire au visage bouddhique s’éloigne de ses sonorités un peu rêches et épouse un univers sonore cousin des fantasmagories du dernier Bashung ( L’Imprudence, paru en 2002), £uvre au noir qui l’a profondément marqué. Assez pour avoir envie de travailler avec la même équipe :  » Je suis allé voir Jean Lamoot, le producteur de Bashung ( NDLR : qui a également travaillé pour Noir Désir et Zebda) avec des maquettes de chansons et l’idée de lui confier la patte sonore du disque. Au départ, je ne savais pas si j’aimerais me laisser aller : je lui donnais une liberté totale, mais j’avais aussi le droit de refuser ce qu’il me proposerait. Une situation psychologiquement difficile, dont j’avais un peu peur.  »

Avec les arrangeurs Arnaud Devos et Jean-Louis Solans, Lamoot s’essaie d’abord à quelques titres, confectionne des parties orchestrales avant d’enregistrer les rythmiques, afin de ne pas coincer les structures musicales et de laisser de l’air aux chansons.  » A trois, ils montent et démontent les sons, et finissent par obtenir des choses qui ne peuvent pas être écrites de manière classique « , explique Dominique A. C’est sans doute l’une des séductions de Tout sera comme avant que de mêler cordes et vents amples à des rythmes volontiers concassés, et de confronter des changements d’intensité à la voix toujours un peu cérémonieuse de Dominique. Même si ce dernier s’est trouvé vocalement  » plus généreux  » qu’à l’habitude. Du coup, l’univers parfois monochrome de Dominique A se garnit de couleurs veloutées et d’orchestrations douces-amères qui évoquent autant Kurt Weill que Bashung. Il y a donc une somptuosité, une volupté inhabituelles dans l’espace musical  » dominicain  » : parmi d’autres évidences du processus nouveau, Mira ressemble à un petit miracle mélodique lunaire, traversé de cordes perçantes, et Le Fils d’un enfant, avec son orchestre dantesque qui résonne de tambours martiaux, évoque les péripéties d’une BO pour film à suspense. Loin, donc, des tubulures nerveuses dénudées des disques précédents.

Parlez-vous l’inuktitut ?

Mais le sens des mots, lui, n’a guère changé. Les textes de Dominique se nourrissent toujours de décalages, comme celui de la plage titulaire du disque, Tout sera comme avant :  » Je crois qu’il y a toujours une chanson qui tient l’album, une chanson plus forte que les autres. Celle-ci n’est pas ironique et parle simplement du désir de lier le passé et l’avenir.  » Autre moment particulier : L’Inuktitut, longue et drôle liste de langues menacées  » mises en perspective par rapport à l’anglais et le fait que tout aille dans le même sens. C’est une chanson sur la globalisation.  » On remarque aussi Le Fils d’un enfant, que Dominique présente comme traitant de  » la démission des pères et la crainte de ne pas être là quand il le faut « . Aussitôt, il rajoute :  » Mais je suis là !  » histoire de dire que le rock et la route ne l’éloignent pas de son fils, Youri, 5 ans, avec lequel il vit à Bruxelles, regagnant Paris en solitaire une semaine sur deux. Fils unique d’une petite famille même pas bourgeoise û  » On vivait à trois sur le salaire de mon père prof  » û, Dominique Ané mérite qu’on dissipe un malentendu lié à son image de garçon littéraire qui peut sembler un brin contrit :  » Sur les photos, on me dit souvent que j’ai une ô tête de tueur « , mais je ne fais pourtant rien pour ça !  » Et de sourire, assis au milieu de sa chambre-salon près de la gare du Midi.

Philippe Cornet

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