Des régionalistes d’un nouveau type

Michel Delwiche
Michel Delwiche Journaliste

Les gouvernements wallon, bruxellois et de la Communauté française, en consacrant une  » Fédération Wallonie-Bruxelles « , ne réussiront pas à faire taire les régionalistes, devenus plus pragmatiques. Au sein du PS, ils continuent à vouloir une Belgique fédérale composée de trois Régions. Mais la relève est-elle vraiment assurée ?

Le régionalisme n’est pas mort en Wallonie. (…) Il est temps que dans le sud du pays on comprenne enfin qu’on ne sauvera pas l’Etat belge en refusant de négocier et en niant les revendications flamandes. (…) Le débat institutionnel se dessine comme un débat de Communauté à Communauté. Nous sommes, pour notre part, convaincus que les choses seraient plus claires s’il avait lieu entre Régions. (…) Envisageons enfin sérieusement le fait que la Wallonie devrait exercer des compétences relevant aujourd’hui de la Communauté française. « 

Une ministre régionaliste

C’est du Happart, du Van Cau, du Dehousse ? Non ? Du Collignon alors ? Oui, mais du Christophe Collignon (40 ans tout juste), fils de Robert, l’ancien ministre-président wallon. Les phrases sont extraites d’une carte blanche ( » A présent, vous pouvez dire à nos mères que nous sommes régionalistes « ), publiée par Métro en février 2008, et que Christophe Collignon a cosignée avec cinq autres députés wallons, dont le Luxembourgeois Sebastian Pirlot (38 ans) ou la Namuroise Eliane Tillieux (la petite quarantaine), aujourd’hui ministre wallonne de la Santé et de l’Action sociale. Eliane Tillieux est aussi coauteur de la proposition de décret (avril 2006) visant à instituer une Constitution wallonne, déposée par Van Cau, Happart et, encore, Christophe Collignon.

La relève du courant régionaliste paraît donc assurée au sein du PS, après le départ des anciens, ceux que certains avaient qualifiés de brontosaures, de  » nostalgiques de combats désuets « .  » C’est vrai, c’étaient des personnalités des années 1970, répond prudemment Eliane Tillieux, mais aujourd’hui les mentalités ont évolué, heureusement, et des personnalités se dégagent, comme Jean-Claude Marcourt. Des régionalistes d’un nouveau type, plus pragmatiques, conscients des enjeux pour la Wallonie. « 

 » Nous ne pouvons pas toujours courir derrière les Flamands et leurs exigences, poursuit-elle, sans savoir ce que, nous, on veut. La Région wallonne, nous l’avons voulue, et nous l’avons. Nous devons savoir pourquoi nous sommes fiers d’être wallons, connaître nos points forts et nos points faibles pour préparer l’avenir. « 

La fierté d’être wallon, cela fait partie d’une identité culturelle, encore et toujours à créer. Faut-il régionaliser la culture comme le demandent les régionalistes  » historiques  » ?  » L’identité culturelle, elle se construit au départ de fêtes comme celles que nous allons vivre ce week-end, les Fêtes de Wallonie. « 

Et l’enseignement, faut-il aussi le régionaliser ?  » Je suis réservée. Qu’on se mette autour de la table. Mais je souhaiterais que nos universités se penchent plus sur les questions importantes pour la Région wallonne. A part les interventions de Robert Deschamps (Facultés de Namur), qui s’évertue à dire le contraire de ce que dit le gouvernement wallon, je ne vois guère d’études sur, par exemple, la loi de financement des entités fédérées, ou sur les conséquences pour la Wallonie de la crise financière, économique et, il faut le craindre, sociale. « 

Un Livre blanc

Le propos est plus tranché chez les auteurs du  » Livre blanc pour la Wallonie « , mémorandum publié juste avant les élections de juin par des intellectuels, des militants, des syndicalistes et, bien sûr, des régionalistes  » historiques  » comme Jean-Maurice Dehousse ou Robert Collignon.

 » C’est assez désolant, confie ce dernier. Il y a un manque de vision de l’avenir chez nos politiciens qui se disent que les Wallons ont peur, en réclamant quoi que ce soit, de voir disparaître la Belgique. Moi, j’aurais voulu être ministre-président de la Communauté française, mais pour la supprimer : la culture et l’enseignement sont des compétences indispensables qui doivent revenir aux Régions. « 

Pour permettre l’émergence d’un projet de société mobilisateur, décomplexer les Wallons, mettre fin à l’auto-flagellation ?  » S’il n’y a pas d’identité wallonne, nous avons le devoir de la créer « , affirme Robert Collignon.

Cela fait pourtant longtemps qu’on y travaille…  » Regardez nos voisins du Nord-Pas-de-Calais : j’en ai rencontré en Turquie portant un tee-shirt  » Fier d’être ch’ti « . Il a suffi d’un film populaire pour consacrer une identité régionale. Nous allons vivre ce week-end les Fêtes de Wallonie : tout ce que nos télés belgicaines vont en montrer, c’est le pèket… « 

Une quatrième Région ?

Le philosophe José Fontaine, l’un des principaux artisans du Livre blanc (et auparavant du  » Manifeste pour la culture wallonne « , publié en 1983), fait remarquer que c’est Bruxelles et la Wallonie qui sont seuls porteurs de la belgitude.  » Affirmer qu’il y a une culture wallonne (ou bruxelloise), explique-t-il, cela a été présenté comme la négation de la Belgique. Ceux qui l’ont fait se sont attiré violence et haine, c’est l’idéologie de la Communauté française. « 

Mais les choses évoluent ;  » une identité culturelle propre est en création à Bruxelles, qui se construit sur les francophones, mais aussi sur les néerlandophones, et les autres cultures. Cela, c’est la réalité de Bruxelles, de tous les Bruxellois, et c’est intéressant. « 

Selon Thierry Bodson, secrétaire général de la FGTB wallonne,  » l’Etat fédéral est construit sur trois Régions. A trois Régions, on peut discuter. A deux Communautés, c’est l’affrontement. Pour nous, en outre, il n’est pas possible d’imaginer un redressement économique sans donner à l’entité qui est à la man£uvre la culture. Le lien entre culture et économie est évident. Il n’y a pas d’économie de l’innovation, de la recherche sans fondement culturel. « 

Trois Régions donc. Et peut-être plus.  » La Communauté germanophone a mis en route son histoire, en demandant son autonomie dans des matières gérées par la Région wallonne, comme l’aménagement du territoire, analyse le syndicaliste. A terme, la Communauté germanophone pourrait devenir la quatrième Région. « .

MICHEL DELWICHE

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