Des coudées franches dans l’action

Martens et Dehaene ont pu opérer dans un cadre institutionnel encore relativement limpide qui leur offrait de la marge. Dans une Belgique aux entités fédérées fortes, Van Rompuy n’est plus le seul maître de la rigueur.

. les résistances

> Sous Martens et Dehaene. La puissance de feu syndicale n’est pas un vain mot. La FGTB de Georges Debunne puis de André Vanden Broucke organise protestations et grèves de grande ampleur. La capacité de mobilisation du monde ouvrier, encore très structuré, reste redoutable.  » J’imagine mal Herman Van Rompuy sous la menace d’une marche sur Bruxelles des employés de banque, comme je l’ai vécu avec la montée des sidérurgistes sur la capitale « , sourit l’ex-ministre des Affaires économiques Mark Eyskens. Le coup de massue de la dévaluation du franc belge a pris de court le monde syndical :  » Les syndicats ont été tellement désarçonnés par les effets de notre intervention monétaire qu’ils n’ont pas été en état de mobiliser leurs troupes contre notre volonté d’action. Georges Debunne lui-même s’inclinait devant l’inévitable « , témoigne Martens. Le soutien de Jef Houthuys et des dirigeants de la CSC à la politique de redressement, en brisant le front commun syndical, sera décisif. Confronté à une contestation sociale de grande ampleur, suite à l’adoption du Plan global, Dehaene profite aussi des lézardes du front syndical pour s’imposer comme arbitre.

> Sous Van Rompuy.  » Les syndicats ont beaucoup perdu de leur puissance et de leur influence en trente ans « , estime Mark Eyskens. Le temps où un coup de fil de Georges Debunne faisait fléchir les résolutions les plus viriles d’un gouvernement est révolu. Van Rompuy Ier ne doit pas pour autant espérer jouer sur du velours.  » La contestation sociale ne prendra peut-être plus la forme de grandes grèves générales, mais peut se traduire par un mécontentement larvé tout aussi redoutable « , craint un ancien ministre socialiste. Le gouvernement pourrait se trouver à la merci de mouvements incontrôlables, échappant à tout encadrement syndical.

. les écueils

> Sous Martens et Dehaene. Rigueur et austérité se mènent dans un cadre institutionnel et politique encore relativement limpide. Les gouvernements nationaux disposent de la plupart des leviers de commande pour fixer et maintenir le cap budgétaire.  » La présence de deux grandes familles politiques au gouvernement, sous Martens et sous Dehaene, facilitait les compromis « , se souvient Philippe Moureaux. C’est aussi le temps béni d’un calendrier électoral moins intensif, qui laissait davantage les coudées franches aux gouvernements en place .

> Sous Van Rompuy.  » La situation institutionnelle, bien plus mauvaise que dans les années 1980, est devenue un élément très perturbateur « , s’inquiète Philippe Moureaux. Van Rompuy est condamné à agir dans un paysage politique morcelé d’une complexité folle, qui lui ôte tout espoir de gérer la rigueur en solo et de dicter le tempo. La montée en puissance des Régions et Communautés brouille les cartes. Elle ne permet plus à l’Etat fédéral, exsangue, de supporter seul le fardeau de l’assainissement. A moins de porter atteinte à la sécu, il ne peut assumer que 65 % des économies. Ce qui soumet le gouvernement Van Rompuy au bon vouloir d’entités fédérées animées d’arrière-pensées fort différentes. Cela fait beaucoup de sensibilités à faire évoluer durablement sur une même trajectoire budgétaire : tous gouvernements confondus, pas moins de huit formations politiques, qui sont tantôt dans la majorité et tantôt dans l’opposition selon les niveaux de pouvoir ! Bras de fer politiques et foyers de résistance sont démultipliés. Le tout dans un climat préélectoral permanent, alimenté par des scrutins programmés à des cadences infernales. Ce qui n’incite guère à risquer l’impopularité, corollaire de toute austérité. n

Vous avez repéré une erreur ou disposez de plus d’infos? Signalez-le ici

Contenu partenaire