© ERIK ANTHIERENS

Des chiffres et des femmes

 » Combien d’entre vous sont venues en voiture ?  » La quasi-totalité des femmes présentes lèvent la main.  » Combien ont une voiture équipée d’un espace où sécuriser son sac ?  » Sur la centaine d’inscrites à la conférence, seules deux répondent positivement. Avivah Wittenberg-Cox n’est pas étonnée par ces résultats. Dans ses exposés, dans ses livres (2), elle met en évidence le poids des femmes dans l’économie. Ce qu’elle appelle womenomics. Selon elle, tous secteurs confondus dans le monde, 83 % des décisions d’achat seraient prises par des femmes (3). Voilà pourquoi, plutôt que d’apprendre aux femmes le langage des hommes, cette consultante franco-canadienne a entrepris, de souffler à l’oreille des grands patrons celui qui convaincra les consommatrices.

L’initiative est louable, car on ne peut pas dire que l’industrie automobile ait viré sa gender cuti. Bien sûr, certaines marques ont eu vent de l’importance de cette clientèle. On a vu éclore une série de voitures roses, agrémentées d’un vase et d’une marguerite, arborant des stickers fleuris, version make-up, série spéciale  » couture « . On a même croisé un modèle équipé d’un appuie-tête pour queue de cheval ! Pourtant, les femmes ne semblent pas privilégier ces détails.  » Elles veulent un habitacle et un coffre de taille optimale, des sièges compatibles enfants, un rangement facile pour la poussette. Elles en parlent énormément sur les forums dédiés à la maternité « , explique Fabien Grenier, à l’institut TrendyBuzz.  » Et lorsqu’elles n’ont pas ou plus de petits à véhiculer, il arrive qu’elles choisissent les finitions les plus sportives, les plus  » viriles  » « , souffle ce vendeur d’une marque de luxe. Dans les showrooms aussi, les marques font fort.  » Êtes-vous certaines d’avoir besoin de quatre roues motrices ? Vous savez, deux, c’est suffisant pour une femme.  » Même son de cloche au service après-vente :  » Je ne vous explique pas la facture de l’entretien. Mais Monsieur peut me téléphoner.  »

 » Pour les conductrices, l’achat d’une voiture est un acte stratégique. Leur métier, leur situation familiale, leur budget entrent en jeu. La fiabilité est essentielle, le confort et les équipements, la performance, mais oui. Je suis persuadée qu’il n’est pas indispensable de créer des voitures différentes pour les femmes. Il faut apprendre à les vendre différemment.  » Sabrina Parant est une formatrice expérimentée dans le secteur automobile. Quinze ans d’expérience dans le secteur, passionnée de bagnoles (oui, elle en a plusieurs), elle vient de fonder L-Drive (pour Ladies Drive), une association faisant la promotion des femmes dans l’industrie automobile et vice versa. Pour elle, pour vendre aux femmes, il faut les écouter.  » Les voitures électriques et hybrides sont bien accueillies, par exemple. Certaines femmes apprécient l’intérêt écologique, le moteur peu bruyant, la conduite apaisante. Nous sommes plus sur une question de comportement que sur des « codes féminins ».  » Et si l’industrie automobile, malmenée par la crise et les scandales, renouait avec la croissance en découvrant son continent noir…

(1) La Femme est l’avenir de l’automobile, par Patrick Lautard, directeur d’Osea (cabinet de conseil en stratégie) sur pro.largus.fr, 13 mars 2017.

(2) Why Women Mean Business, par Avivah Wittenberg-Cox et Alison Maitland, Wiley, 2010.

(3) Women want more, Boston Consulting Group.

par Béa Ercolini

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