Des baignoires de cuivre dans des suites de luxe

Les anciens thermes de Spa, au cour de la ville, dépérissent. Plus pour longtemps : la Ville compte mettre en chantier sa rénovation début 2013. Neuf cents jours plus tard, le centre de soins deviendra hôtel de luxe.

Les drapeaux colorent la façade, mais l’enseigne lumineuse ne clignote plus depuis longtemps. Les anciens thermes de Spa, en plein centre-ville, sont abandonnés depuis 2004. Le bâtiment majestueux conçu par Léon Suys en 1868 se dégrade doucement. Dans le prestigieux hall d’entrée, classé tout comme les façades, les murs défraîchis accusent l’empreinte du temps. Le plafond garni de peintures fait grise mine, les stucs se décrochent et l’humidité s’installe.  » Tout est à refaire, constate Luc Peeters, échevin du Patrimoine (CDH). A l’époque, c’était un bâtiment remarquable…  » Bâtiment dont n’a plus voulu Spa Monopole, l’exploitant des thermes, pour des raisons de normes et de rentabilité, préférant bâtir une nouvelle infrastructure sur la colline.

Si les curistes y sont désormais bannis, le vieux centre thermal est occasionnellement accessible au public amateur d’histoire et de patrimoine. Le hall d’entrée reste également un espace de prestige, exploité lors d’événements spadois comme les Francofolies. Mais la Ville a un projet bien plus ambitieux dans ses cartons : y aménager un hôtel de luxe avec centre de soins haut de gamme, une petite galerie commerçante et un parking souterrain de 120 places.

 » Impayable par la Ville « 

L’idée fait grincer.  » Il y a déjà suffisamment d’hôtels de luxe à Spa, souffle Frank Gazzard (PS). La majorité veut donner une image de luxe à la ville, ce n’est pas judicieux. Ne nous leurrons pas : Spa n’est plus the place to be ! « 

 » La clientèle de ces hôtels haut de gamme n’en sort pas assez souvent et ne fait pas tourner l’économie locale, embraie Claude Brouet (Ecolo). Mieux vaudrait développer une offre plus accessible, dédiée à la classe moyenne. Ce serait plus intéressant pour les commerces spadois. Mais bon, tout vaut mieux qu’un bâtiment vide. « 

L’opposition aurait préféré une affectation publique : l’aménager en maison des associations, en centre culturel ou y transférer l’hôtel de ville. Des options rapidement balayées par la majorité MR-CDH pour des raisons économiques.  » La restauration et l’entretien du site sont impayables par la Ville, qui ne compte que 10 500 habitants « , justifie Luc Peeters. Le collège a opté pour un partenariat public-privé. Quant au choix d’y ouvrir un hôtel, il n’a pas fait l’objet d’une étude, mais d’un brainstorming entre bourgmestre et échevins.  » Il n’y a que 500 chambres à Spa. C’est très peu. Ce nouvel hôtel participera à l’attractivité de la ville, qui tourne à deux vitesses : l’activité est très importante en cas de manifestation culturelle ou sportive, mais les outils sont difficiles à maintenir en période creuse. Ce projet devrait permettre d’organiser et d’accueillir un autre type d’actions, comme des congrès, des conférences ou des séminaires.

Pour trouver des investisseurs, un appel à projets a été lancé. Foremost Immo a obtenu le marché. Le promoteur, lié à la Ville par un bail emphytéotique, travaille avec les architectes SumProject et Barbara Van Der Wee.

Concrètement, une septantaine de chambres devraient être aménagées dans les anciennes cabines thermales, dont cinq, décorées de vieilles céramiques, devront être conservées. Les anciennes baignoires de cuivre autrefois destinées aux soins trouveront leur place dans les suites de luxe. L’entrée principale sera aménagée à l’arrière du bâtiment, rue Servais, tandis qu’à l’avant le hall sera restauré à l’identique et aménagé en salle polyvalente permettant d’accueillir des manifestations de la Ville. Le budget de ces travaux devrait se chiffrer à 20 ou 25 millions d’euros, subsidiés jusqu’à 60 % par la Région wallonne pour les parties classées.

La Ville compte obtenir le certificat de patrimoine cet été, et le permis d’urbanisme, dans la foulée. Les travaux pourraient démarrer début 2013 et devraient durer 900 jours calendrier.

Si le projet est bien abouti, les plans restent pourtant confidentiels : l’hôtelier spécialisé dans le thermalisme contacté par les investisseurs après le désistement du groupe Martin’s Hôtels n’a pas encore formellement accepté le marché.

Autre embûche pour le collège : un candidat évincé lors de l’appel d’offres a introduit un recours au Conseil d’Etat,  » sur la base de lacunes dans le cahier des charges de la Ville, qui a motivé son choix de manière imprécise « , assure-t-on dans l’opposition.

 » Nous attendons l’avis de l’auditeur du Conseil d’Etat, confirme Luc Peeters. Mais nous sommes confiants : le recours introduit est fantaisiste. Pour nous, c’est une anecdote, nous sommes déterminés à attribuer le marché à Foremost Immo. « 

Reste que la procédure pourrait être entravée par ce recours. Et à quelques mois des élections communales, ça fait plutôt mauvais genre.

ANNE-CATHERINE DE BAST

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