Des archives à livre ouvert

André Berger, vous êtes climatologue à l’UCL et président honoraire de l’Union européenne de géo-sciences. Que représente, pour vous, l’ouverture d’une nouvelle base belge en Antarctique ?

André Berger : C’est évidemment une excellente nouvelle. Certes, la Belgique ne pourra jamais rivaliser avec les grandes nations présentes sur ce continent, ne fût-ce qu’en termes d’équipements technologiques, comme les navires et les avions spécialisés. Mais il est judicieux de renforcer nos collaborations avec elles, par exemple via la gestion d’une base avec un autre pays, en l’occurrence le Japon. Même si la rivalité joue un rôle d’émulation entre les nations, la tradition de coopération scientifique est très présente en Antarctique. Le fait de disposer d’une base devrait nous dispenser, nous les scientifiques, de rappeler constamment au monde politique belge la valeur et la réputation de nos équipes de recherche polaire. Enfin, disposer d’une base, c’est prendre à nouveau nos responsabilités en tant que pays signataire du traité Antarctique, en 1959.

En quoi l’Antarctique est-il particu- lièrement intéressant pour la clima- tologie ?

Etudier les phénomènes climatiques, à de telles latitudes, permet d’établir les relations entre la température et l’albédo, c’est-à-dire le pouvoir réfléchissant de la surface terrestre. A l’heure actuelle, la base de données des scientifiques sur l’histoire du climat est très lacunaire, car les outils à notre disposition – les documents historiques, les cernes de croissance des arbres et les pollens – nous permettent, tout au plus, de remonter jusqu’à un millier d’années, quelquefois jusqu’à 7 000 ou 8 000 ans. Il est vrai que les recherches sur les sédiments marins, elles, peuvent nous faire remonter beaucoup plus loin – jusqu’à des centaines de milliers d’années – et nous savons que la diversité du climat a été très grande sur cette longue période. Mais, ce qui nous manque, c’est la  » haute résolution « . C’est-à-dire que nous n’avons aucune idée des variations intervenues sur des laps de temps plus courts : quelques centaines d’années. L’intérêt des sites de l’Antarctique (où des carottes de glace sont prélevées), mais aussi du Groenland, c’est qu’ils nous permettent, grâce à la sédimentation de la neige, d’avoir une vision nettement plus précise et de savoir comment le climat et l’atmosphère ont évolué sur des périodes de l’ordre du siècle, voire de la décennie. C’est dans ce sens-là que l’Antarctique, notamment, recèle les archives de la Terre et nous permet d’anticiper l’avenir dans une certaine mesure. Ph.L.

Philippe Lamotte

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