DÉLIQUESCENCES

Thierry Fiorilli
Thierry Fiorilli Journaliste

Cinquante ans de lutte communautaire entre Flamands et Wallons et de détricotage de l’Etat central au profit des Régions (six réformes constitutionnelles depuis 1970) ont conduit le Royaume dans une voie sans issue : impotence, incompétence, irresponsabilité.  » Le dernier scud tiré par Jean Quatremer, bouillant correspondant à Bruxelles de Libération, remonte au 29 avril dernier. Sur son blog, le journaliste français se désespère de  » la déliquescence de l’Etat  » belge,  » miné par les luttes incessantes entre la majorité néerlandophone et la minorité francophone « .

Cinq mois avant lui, Le Monde considérait que notre pays  » reste prisonnier d’un débat institutionnel que l’on a pu trouver pittoresque mais qui tourne au tragique et qui lui a fait perdre de vue l’importance de ses missions régaliennes. Confondant régionalisation et efficacité, cet Etat sans nation prend le risque de devenir progressivement une nation sans Etat « . Et quatre jours plus tôt, c’est Politico Europe, le journal en ligne américain centré sur les politiques européennes et basé à Bruxelles, qui décrivait, lui aussi, la Belgique comme un  » Etat en déliquescence « , où  » l’autorité est partout défiée et où les manquements politiques, judiciaires et autres s’amoncellent « .

Difficile de tout contester. Il y a bien comme une odeur de fin de régime, une allure de chute d’empire, en Belgique. L’affrontement, en cours, et qui va enfler ces prochaines semaines, entre syndicats et gouvernement, cette fois à cause de  » la loi des 45 heures « , n’arrangera rien. Le gigantesque Meccano belge tangue, se disloque par endroits, perd des pièces ici, en voit qui rouillent là…

Pour le dire crûment, l’action de nos politiques ne semble plus désormais que purement réactive. Dépassés qu’ils sont par les bouleversements qui secouent la planète. Dépassés ? Comme nous tous. Et tous les autres dirigeants démocratiques. Ainsi, la réalité française n’est pas plus réjouissante : mêmes mauvais fonctionnements, ou pareille impossibilité de fonctionner ; même volonté de réformer pour montrer qu’on réforme mais si tard, si mal, si unilatéralement ; même mécontentement général mais contestation plus violente ; même rejet des autorités mais plus organisé, plus radical, plus ravageur, à l’image de Nuit debout (lire page 8 l’entretien avec l’homme qui a lancé le mouvement, François Ruffin)

La comparaison n’est pas plus favorable aux Etats-Unis, en proie à des méthodes policières et judiciaires, entre autres, souvent inacceptables, et démontrant une incapacité de  » l’Etat « , là aussi, à s’adapter aux évolutions des communautés qu’il est censé d’abord protéger.

En somme, Libération, Le Monde, Politico et tous les censeurs des errances belges n’ont pas tort. Sauf que, même si le modèle institutionnel nous fragilise davantage, elles concernent, aussi,  » le monde occidental « . Fédéralisé ou non. Et qui, à brève échéance, est confronté à bien davantage que des éditoriaux au picrate : l’avènement d’un nouveau modèle de gouvernance, et de son contrôle. Ou le déclenchement de ce qui pourrait dériver en guérilla urbaine, en révolte sociale, en terrorisme politique. Ou les deux. Mais alors, dans l’ordre inverse.

Thierry Fiorilli

 » Bientôt l’avènement d’un nouveau modèle de gouvernance. Ou le déclenchement d’une guérilla urbaine ? Ou les deux ?  »

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