Joseph Ndwaniye

« Le contexte politique ne peut museler la rentrée littéraire au Mali »

Joseph Ndwaniye Infirmier et écrivain.

Quinzième édition de la rentrée littéraire du Mali. Quatrième pour moi. Une longue file se déploie dès la sortie de l’avion, contrôle des vaccins Covid oblige. Certains cherchent dans la mémoire de leur smartphone ce précieux sésame électronique. D’autres craignent d’avoir égaré le carnet estampillé par le médecin qui leur a inoculé le vaccin de la fièvre jaune.

La sortie de l’aéroport à peine franchie, la chaleur suffocante m’accable déjà. Passer de -1 °C à Paris à 40 °C à Bamako en quelques heures…: le corps accuse le choc. Dès les premières salutations échangées avec le chauffeur qui me conduit en ville, j’ai oublié les mises en garde répétées sur le site de l’ambassade de Belgique. «Tous les voyages au Mali sont formellement déconseillés. Compte tenu de la situation sécuritaire sur place… restreindre ses déplacements, y compris dans Bamako, ne pas sortir le soir.» Depuis de nombreuses années, le contexte politique ne permet plus de déployer les rencontres littéraires dans les régions. Mais il ne peut museler l’événement à Bamako (écoles, universités, Institut français…) et cela, grâce à la ténacité d’Ibrahima Aya, son fondateur et codirecteur.

Arrivé à l’hôtel, j’ai éprouvé un malaise. Une bonne partie des chambres étaient occupées par des militaires de l’Union européenne.

Nous nous sommes faufilés dans le ballet des fameux taxis jaunes bamakois dont l’intérieur ne recèle que de rares pièces d’origine mais qui passent le contrôle technique semestriel! Arrivé à l’hôtel, j’ai éprouvé un malaise en découvrant le dispositif sécuritaire. Une bonne partie des chambres étaient occupées par des militaires de l’Union européenne, en mission de formation.

Le thème choisi pour l’édition 2023 était «Décloisonner l’Afrique». L’invitation à participer au premier Forum des manifestations littéraires en Afrique en tant qu’initiateur des Rencontres internationales du livre francophone au Rwanda m’a insufflé un supplément d’enthousiasme et de responsabilité lors du rendez-vous malien. Confrontés aux nombreux problèmes de l’industrie du livre, les acteurs du secteur ont planché sur le sujet pendant 48 heures avec toute la fougue des premières amours. Résultat: un magnifique nouveau-né, le Réseau africain des manifestations littéraires. Ce dispositif devrait permettre de faciliter la présence des auteurs édités en Afrique ainsi que celle de leurs œuvres dans les manifestations littéraires organisées sur le continent.

D’une année à l’autre, j’observe le combat et la dignité des habitants de Bamako, cette ville qui s’étend sur de nombreux kilomètres et dont je peine à cerner le centre. L’actuelle période de transition politique n’entame en rien leur traditionnel sens de l’accueil. J’ai aussi le sentiment d’une exacerbation de leur relation complexe d’amour-haine avec la France. Un lourd silence permet d’éviter le délicat sujet de la présence des mercenaires russes du groupe Wagner dans le Sahel.

Pour me rendre à une table ronde organisée à l’Institut français, je hèle un taxi. Le chauffeur me semble épuisé. Il me dit qu’il est rentré ce matin d’un long voyage au nord du pays où habite sa famille. «La guerre n’a rien changé en ce qui me concerne sauf la durée du trajet à cause des multiples contrôles (NDLR: une semaine au lieu de deux jours, tout de même! ). Les Russes? Je n’en ai pas vu», me dit-il avec un sourire énigmatique.

Je rentre à Bruxelles avec le ressenti que le peuple malien reste très attaché à sa culture qui lui donne sans doute de grandes capacités de résilience. Sinon, comment expliquer que le pays résiste contre vents et marées aux crises politiques successives? Courage mes amis!

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