De rêve et de sang

Louis Danvers
Louis Danvers Journaliste cinéma

Guillermo Del Toro signe avec Le Labyrinthe de Pan un conte aussi beau que cruel, où l’imaginaire s’offre en résistance à la terreur fasciste

Et si cette réalité brutale que subit Ofelia depuis le remariage de sa mère avec un capitaine de l’armée franquiste n’était qu’illusion ? Et si la vie, la vraie, se trouvait dans le mystérieux labyrinthe jouxtant la maison transformée en campement militaire ? Et si le très étrange gardien de ce lieu magique avait raison quand il explique à la jeune fille qu’elle est en fait la princesse exilée d’un royaume enchanté ? Les questions se succèdent, ouvrant porte après porte sur de plus passionnants mystères, dans le sombre et splendide Labyrinthe de Pan, que le jury du dernier Festival de Cannes eut le tort d’ignorer dans son palmarès. Guillermo Del Toro nous y offre un conte pour adultes à l’onirisme aussi riche que prenant, où l’imaginaire s’inscrit en résistance au fascisme triomphant dans l’Espagne des années 1940.  » Je rêvais de ce film voici vingt ans déjà, bien avant de me retrouver derrière une caméra « , explique le cinéaste mexicain, que ses films (de Cronos à Hellboy, en passant par L’Echine du diable) situent parmi les voix les plus personnelles et les plus passionnantes du fantastique contemporain.

Ivana Baquero incarne l’héroïne d’un récit où Sergi Lopez prête ses traits au machisme le plus odieux dans le rôle du capitaine Vidal. Autour d’eux, Del Toro met en scène un univers inspiré par la peinture de Goya et les dessins de Rackham.  » A mes yeux, le fascisme représente l’horreur absolue, la perversion de l’innocence, la mort de l’âme, commente le réalisateur. En ce sens, il offre un cadre idéal à un conte surnaturel où l’on cherche dans l’obscurité morale quelque lueur d’espoir.  » Captivant de bout en bout, Le Labyrinthe de Pan mêle admirablement violence et poésie, terreur et merveilleux. Un an de préparation, quatre mois de tournage et six autres de post-production auront été nécessaires à la confection de cet objet cinématographique original et beau, plus encore que cruel. Guillermo Del Toro y réussit la synthèse de ses désirs artistiques et philosophiques,  » ramenant du plus profond (de lui-même) les images et les émotions les plus intimes  » pour les offrir en partage au spectateur.

Comme Terry Gilliam dans ses meilleurs films, le cinéaste mexicain oppose le pouvoir libérateur de l’imagination au totalitarisme d’un réel oppressant. Il le fait avec force et style, faisant de son nouveau film une expérience électrisante, qui marque durablement la mémoire.

Louis Danvers

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