Dans les coulisses du mystère

Christophe Leroy
Christophe Leroy Journaliste au Vif

Aux Etats-Unis, les mormons sont sept millions. Chez nous, ils sont 6 000. Qui sont-ils ? Quelles sont leurs valeurs ? Secte ou religion ? Voici les rouages d’un culte ultra-organisé.

Leur regard est franc et leur sourire, infini, ne semble jamais s’éteindre sur leur visage.  » Elder Nielson  » et  » Elder Gutierrez « , indique la plaquette noire de ces deux missionnaires mormons. Le premier, 19 ans, vient tout droit de Philadelphie. Le deuxième, 20 ans et d’origine mexicaine, est de Santa Barbara, en Californie. Dans cette Eglise de Jésus-Christ des Saints des Derniers Jours, au c£ur de Bruxelles, les deux jeunes hommes affichent un look impeccable, symétrique. Pantalon noir, chemise blanche, cravate. Depuis environ un an, ils ont quitté leur famille aux Etats-Unis pour partager les préceptes mormons en Belgique, en France et au Luxembourg.  » Notre but n’est pas de convaincre les gens à tout prix « , assurent-ils dans un Français imprégné de l’accent américain.

Dans la rue, au porte-à-porte, ils se présentent toujours à deux.  » On veut juste inviter les gens à ressentir le même bonheur que nous, grâce à la foi en Jésus-Christ.  » Logiquement, ils essuient de nombreux refus. D’autres les prennent pour des Témoins de Jéhovah.  » Mais parfois, on arrive réellement à discuter et à fixer des rendez-vous. « 

Chez nous, leur rôle est capital pour l’Eglise, établie aux Etats-Unis en 1830 et dont le siège mondial est basé à Salt Lake City, dans l’Utah. C’est principalement grâce à eux que la famille mormone s’agrandit. Elle compte 15 millions de membres à travers le monde, dont 7 millions aux Etats-Unis. Leur ambassadeur le plus médiatisé est évidemment Mitt Romney, qui devance Barack Obama dans la course à l’investiture présidentielle américaine. En Belgique, les mormons sont 6 000 seulement, répartis dans 17 paroisses.

Pas de baptême avant 8 ans

Dans la petite paroisse de Namur, c’est l’évêque Rudy Lambé, 40 ans, qui joue le maître de cérémonie. Ce fonctionnaire à la police fédérale, marié et père de deux enfants, gère bénévolement la chapelle, qui compte 180 membres sur les listes. Converti depuis vingt ans après le passage de deux missionnaires, il coordonne les  » réunions  » auxquelles se rendent les pratiquants. Le dimanche, elles sont au nombre de trois. Durant la première heure, les  » frères  » et  » s£urs  » se rassemblent par tranche d’âge afin d’étayer leur connaissance du culte et de son prophète. La deuxième heure, c’est la  » classe des amis « .  » Chacun peut venir y poser des questions. C’est un moment privilégié pour les nouveaux membres « , commente Rudy Lambé. La troisième heure constitue le n£ud du culte mormon, avec la Réunion de la Sainte-Cène. Une cérémonie très dynamique, durant laquelle les membres viennent parler de leur foi entre les nombreux cantiques louant Jésus-Christ.  » Au mois de septembre par exemple, j’ai demandé à une petite fille de nous dire comment gagner son propre témoignage de Jésus-Christ. Ensuite, une s£ur a expliqué la manière d’enseigner le libre arbitre à nos enfants. « 

Un critère fondamental pour le culte mormon, qui n’autorise pas le baptême avant 8 ans.  » Pour nous, baptiser un bébé n’a aucun sens. C’est à l’enfant qu’il revient de tenir ou non cet engagement. Et pour le savoir, il doit d’abord expérimenter sa foi. « 

Classé dans la liste des  » sectes  » en Belgique, le culte mormon est considéré comme une religion à part entière chez nos voisins directs et évidemment aux Etats-Unis. Là-bas, il arrive même en troisième position au niveau du nombre de fidèles, derrière les protestants (51 % de la population américaine) et les catholiques (24 %).

10 % du salaire à l’Eglise

La mécanique mormone est parfaitement rodée en dépit de ses innombrables ramifications. A l’image de cette incroyable coordination permettant de diffuser, le même jour, dans toutes les paroisses aux quatre coins du globe, un message vidéo du dirigeant actuel de l’Eglise, Thomas S. Monson. L’organisation financière, elle, donne le vertige. Chaque membre actif est invité à verser la dîme, soit 10 % de son salaire à l’Eglise. Que ces versements soient recueillis dans l’Utah ou en Belgique, tout remonte vers la comptabilité de Salt Lake City. En fonction du nombre de membres et de la taille des paroisses, le siège central redistribue ensuite les montants récoltés à travers le monde. Les mormons disposent aussi d’un véritable arsenal de livres, de brochures, de films, dédiés à l’éducation des membres et à la promotion des actions de l’Eglise, notamment les programmes de bénévolat ou les dons aux organisations caritatives.

L’engagement de mormons en politique semble inexistant chez nous. Mais la Belgique compte bel et bien quelques membres influents : des banquiers, des hommes d’affaires, des professeurs, des écrivains… Jusqu’où leur foi influence-t-elle leur vie professionnelle ? La frontière n’est pas béante mais n’est pas complètement étanche pour autant.  » Toute philosophie colore notre vision des choses « , reconnaît Claude Bernard en charge des relations publiques de l’Eglise pour la partie francophone du pays.  » Mais tout cela va bien au-delà de la foi. Pour l’éthique, pour la morale, nous nous référons aussi à des principes qui transcendent la croyance mormone. Nous n’en avons pas le monopole. « 

CHRISTOPHE LEROY

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