Dans l’enfer des geôles

Même si Damas a libéré 450 prisonniers politiques et de conscience, le 31 mai, les prisons regorgent toujours d’opposants.

Allongé sur le divan du salon, Hassan a la tête des mauvais jours. Voilà des semaines que ce jeune alaouite ne prend plus part à la moindre manifestation.  » Tous ceux qui comptent croupissent à l’ombre « , explique-t-il. Les jeunes, surtout. Hassan connaît bien les prisons du pays ; son père, général des services de renseignement, travaille dans l’une d’elles.  » Un sale endroit, lâche-t-il. Dans certaines cellules, le sol est tapissé de sang séché.  » Lors de sa dernière visite, il a vu un homme d’une vingtaine d’années, nu, les mains attachées au mur, tabassé à mort par plusieurs gardes. Au pouvoir depuis 1963, le parti Baas s’est toujours fait le chantre de l’égalité de traitement entre hommes et femmes. A écouter Hassan, ce principe semble respecté jusque derrière les barreaux : une détenue, accusée d’avoir pris des photos de manifs avec son téléphone portable, a été torturée à plusieurs reprises.

Les matons ne peuvent soupçonner Hassan de sympathie pour la rébellion. Pourtant, ce fils de la nomenklatura n’a pas hésité à rejoindre le mouvement.  » Je ne m’entends pas très bien avec ma famille, confie-t-il, mais, si j’étais arrêté, je sais que mon père me ferait sortir de prison.  » L’héritier rebelle a la conviction de ne pas être le seul  » infiltré  » au sein du tout-puissant appareil sécuritaire maison :  » Sinon, comment expliquer les récentes vidéos diffusées sur Internet qui montrent les exactions du régime filmées de près ?  » Plus d’une centaine d’officiers des forces de sécurité, de la police et de l’armée seraient emprisonnés pour avoir épousé la cause des insoumis.

Pour les  » traîtres à la patrie « , les lieux de détention ne manquent pas : Damas, Alep, Homs, Tartous, Lattaquié et Deir ez-Zor disposent toutes d’au moins un pénitentier, tout comme Deraa, épicentre du soulèvement, dont les prisonniers ont été transférés à l’autre bout du pays. Si les cohortes de touristes arpentent les vestiges de Palmyre, fief de la reine Zénobie, ils ignorent que son nom arabe – Tadmor – glace d’effroi les parents des détenus, soumis en ces lieux aux pires sévices.

Il y a deux types de prisons : celles qui relèvent du ministère de l’Intérieur et les autres, dirigées par les services de renseignement, où la torture serait monnaie courante. Les geôles de Harasta, au nord de la capitale, accueilleraient ainsi la plupart des officiers renégats. Dirigée d’une main de fer par le général Yahya Sofan, la prison, planquée sous l’autoroute Damas-Alep, passe inaperçue.

Après trois mois de troubles, les cachots affichent complet. Le régime n’embastille pas que les manifestants ; les fils, filles, frères ou cousins d’activistes recherchés par la police sont aussi relégués au rang d’otages. Au point que le pouvoir réquisitionne des entrepôts d’entrepreneurs proches de lui ou des complexes sportifs pour les transformer en cellules à ciel ouvert.  » En Syrie, grince Hassan, mieux vaut être mort que jeté en prison. « 

CORRESPONDANCE

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