Dans le doute…

Les dictons devraient s’adapter aux circonstances. Depuis un peu plus d’une semaine, ce n’est plus à chaque jour suffit sa peine, mais à chaque heure. En tout cas pour la majorité des acteurs économiques de la planète. Aujourd’hui, la moindre information relative à l’évolution des combats en Irak, à la position des pays exportateurs de pétrole, au nombre de victimes dans chaque camp ou à l’embrasement, réel ou supposé, de puits de pétrole, fait basculer le baromètre de la conjoncture mondiale. Les performances télévisées de Ben Laden sur cassette vidéo ont le même effet. Quelle que soit leur nature, les informations mènent ouvertement le monde économique par le bout du nez.

Les marchés boursiers avaient pourtant célébré très gaiement le début du conflit en Irak, en reprenant vigueur avec l’impudeur qu’on leur connaît et la certitude simpliste que la cause serait rapidement entendue. Dans la foulée, le cours de l’or et du pétrole s’étaient inscrits en net recul. Vingt-quatre heures après les premiers bombardements, et après que les forces anglo-américaines eurent pris le contrôle de plusieurs installations pétrolières stratégiques au sud de l’Irak, le baril d’or noir se négociait sous les 27 dollars à New York, soit 10 dollars de moins qu’aux pires moments de tension précédant le déclenchement de la guerre. Mais l’euphorie n’a pas duré :  » Cette réaction était excessive, expliquent aujourd’hui les analystes. Logiquement, tous ces mouvements s’opèrent à présent en sens inverse.  »

Il est vrai que, sur le terrain, la résistance irakienne à l’avancée des troupes anglo-américaines est plus forte que prévu. Or, une guerre qui mettrait davantage de temps à se conclure menacerait l’approvisionnement en pétrole des pays consommateurs. Dans ce cas, le baril se négocierait plus cher, avec tout l’impact négatif que cela suppose sur les dépenses des entreprises, l’inflation, la consommation des particuliers… La récession guette. Danger ! Pas pour tout le monde, visiblement. Le ministre irakien du pétrole, Amer Rachid, a explicitement demandé aux pays producteurs, notamment arabes, de ne pas augmenter leur offre pour ne pas tasser le prix du baril.  » C’est la moindre des choses pour que les Américains paient le prix fort de la guerre « , a-t-il dit. Pour pimenter le tout, voilà que le Nigeria, premier producteur pétrolier d’Afrique, se jette dans la mêlée : depuis une dizaine de jours, des troubles ethniques y paralysent l’industrie pétrolière. Les installations du groupe américain ChevronTexaco et du conglomérat anglo-néerlandais Royal Dutch Shell y ont provisoirement été fermées.

Tandis que le prix du pétrole repart à la hausse û mais la crise nigériane n’y est encore pour rien û, les marchés boursiers américains, asiatiques et européens replongent, comme le dollar. A l’heure actuelle, l’euro l’emporte toujours sur le billet vert.

Contre toute attente, Saddam Hussein et George W. Bush sont au moins d’accord sur un point.  » La guerre sera longue et lourde de conséquences « , a lancé le maître de Bagdad. Le président américain ne dit pas autre chose :  » Nous ne sommes qu’au début d’un rude conflit.  »

A vrai dire, personne n’en sait rien. La très sage Banque centrale européenne (BCE) a d’ailleurs décidé d’attendre que la situation se clarifie en Irak avant d’envisager une nouvelle baisse de ses taux d’intérêt.  » Une banque centrale ne peut pas fonder ses décisions sur une situation aussi volatile, a lancé Otmar Issing, l’économiste en chef de l’institution. A ce stade, toute évaluation de l’impact économique de la guerre est prématurée. Tout dépend de son étendue et de sa durée. Il est impossible de se faire une idée définitive.  » A chaque heure…

L.v.R.

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