Coupable absence

Dix ans qu’Owen a été enlevé et que ses parents se le reprochent. Un suspense magistral orchestré par Julie Parsons

Un c£ur coupable, par Julie Parsons. Trad. de l’anglais par Lisa Rosenbaum. Calmann-Lévy, 384 p.

Attention, les enfants regardent. De préférence ce qui ne les regarde pas. Owen, 8 ans, a-t-il vu des choses qu’il n’aurait pas dû voir ? C’est une des hypothèses avancées par les enquêteurs après sa disparition, à Dublin, le jour de Halloween 1991. Dix ans après, le gamin n’a toujours pas reparu, et ses parents, séparés depuis, n’ont pas fait le deuil de l’enfant. Elle, cancérologue, accordait plus de temps et d’attention à ses malades qu’à sa famille ; lui, professeur d’histoire de l’art, sexy comme une pop star, trompait sa femme plutôt que de s’occuper de leur fils. Tous deux se sentent à jamais le  » c£ur coupable « , de négligence, d’abandon. Quant à la baby-sitter, l’après-midi du drame, elle a éloigné Owen afin de prendre du bon temps, et des substances illicites, en compagnie de son fiancé.

Une liste de suspects aussi longue que décevante aboutit alors à un cul-de-sac. Installé à La Nouvelle-Orléans, dans la déprime et l’alcool, en mal du froid automne irlandais, de sa femme et des lieux de la tragédie, le père d’Owen revient à Dublin, décidé à faire la lumière sur le rapt du petit garçon ; elle est d’un noir absolu. Bien plus qu’un thriller de haute tenue, le quatrième livre de Julie Parsons, révélée par En mémoire de Mary, confirmée par Piège de soie, est le magistral roman à suspense d’une absence, tendance Ruth Rendell pour l’intuition psychologique et Patricia Highsmith pour la montée du malaise. Chez d’autres, plus fabricants qu’auteurs, un personnage qui se volatilise, c’est un truc ; chez la romancière de Noir Dessein, Néo-Zélandaise installée en Irlande, où elle fut mannequin et productrice de documentaires pour la télévision, c’est une nécessité, un oxygène, presque une question de survie depuis que le pasteur Parsons, son père, disparut en mer. Lui non plus, on ne l’a pas retrouvé.

Ainsi le poids d’un vécu terrible leste-t-il une écriture de l’inquiétude et du manque qui donne à une renarde rôdeuse par une nuit sans lune, à un bonsaï remplaçant, dans le jardin, l’aubépine porte-bonheur une signification intensément symbolique. Admirablement construit, ce C£ur coupable montre que, au contraire de tant de faits divers, la mémoire, elle, n’est jamais une affaire classée.

Michel Grisolia

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