Corps de chasse

Le nouveau record du monde établi sur 100 mètres par le Jamaïquain Usain Bolt peut-il encore être amélioré ? Les performances sportives ne dépendent pas que des qualités physiques des athlètes, répond l’expert Marc Francaux.

Le Vif/L’Express : Que vous inspire le nouveau record du monde établi sur 100 mètres par Usain Bolt ?

> Marc Francaux, professeur de physiologie de l’exercice à l’Institut d’éducation physique de l’UCL : Ce type court vraiment vite ! Il signe une très grande performance. Mais il n’est ni le premier, ni le dernier sportif à le faire. En 1936, Jesse Owens a couru le 100 mètres en 10 »3, avec les chaussures de l’époque, sur une piste cendrée et sans starting-blocks. S’il pouvait courir aujourd’hui en profitant de toutes les améliorations techniques survenues depuis septante ans, quel temps réussirait-il ?

Considérez-vous que ce record, établi à 9 »58, peut encore être battu ?

> Les records sont faits pour être battus. Soit par Usain Bolt lui-même, soit par ses rivaux. Leurs chronos sont vraiment proches : le second de la course, l’Américain Tayson Gay, termine en 9 »71, ce qui, en soi, est déjà impressionnant. Mais tout dépendra des progrès enregistrés sur le plan technologique, par exemple en matière de revêtement de piste, et de l’adaptation de la réglementation qui suivra éventuellement. Car les revêtements, qui ne cessent d’évoluer, aident à la performance sportive. Le matériel également : les sauteurs à la perche, jadis, ne dépassaient pas 3 mètres. Aujourd’hui, ils sont à plus de 6 mètres, mais ils disposent d’un butoir pour caler leur perche, celle-ci n’est plus en bambou mais en fibre de verre, etc. Idem pour la combinaison utilisée par certains nageurs, qui leur a permis de réaliser d’excellents résultats. Si la réglementation interdit à l’avenir certaines caractéristiques pour le revêtement des pistes, les athlètes courront peut-être moins vite.

Est-ce à dire que la performance ne dépend plus, désormais, que d’éléments extérieurs à l’athlète lui-même ?

> Non. C’est une combinaison d’éléments qui joue. Usain Bolt est un athlète exceptionnel, il est physiquement hors du commun. Son patrimoine génétique et le travail qu’il effectue depuis des années font de lui un être extraordinaire, statistiquement très improbable. Et pourtant, il existe et il en existe d’autres.

Qu’a-t-il d’exceptionnel ?

> Usain Bolt combine deux grandes qualités. Il est grand (1,98 mètre), ce qui est une qualité pour courir vite parce qu’il développe de plus longues foulées. Cette taille pourrait constituer un handicap au démarrage puisqu’il lui faut plus de puissance pour faire bouger la masse qu’il représente. Or, par rapport à sa taille, Usain Bolt accomplit de remarquables démarrages : dans cette dernière course, après vingt mètres, il était déjà en tête.

Y a-t-il d’autres éléments qui jouent en faveur des athlètes actuels et dont n’ont pas profité les générations précédentes de sportifs ?

> Oui. La préparation physique des athlètes s’améliore. On sait aujourd’hui davantage de choses sur le fonctionnement de la machine humaine. De plus en plus d’athlètes bénéficient aussi d’un encadrement psychologique qui leur permet, entre autres, de mieux résister au stress. Pour être performant, les qualités psychologiques des sportifs sont très importantes.

Vous êtes-vous demandé si Usain Bolt pouvait s’être dopé ?

> Ce n’est pas parce qu’il signe une performance exceptionnelle qu’il faut d’office penser qu’il le soit. Je ne détecte aucun signe visible de dopage chez lui. En outre, Usain Bolt sortait déjà du lot à 19 ans. Et sa progression est constante depuis 3 ou 4 ans.

ENTRETIEN : LAURENCE VAN RUYMBEKE

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