Contes et légendes de Babylone

Le Louvre consacre une passionnante exposition à la célèbre cité mésopotamienne, tour à tour stigmatisée ou magnifiée. Retour sur un destin exceptionnel.

On l’apercevait à des kilomètres à la ronde. Plantée sur le sable au bord de l’Euphrate, Babylone, située à 90 kilomètres de Bagdad, était cernée par de luxuriants jardins en terrasses et par d’épaisses murailles crénelées, hérissées de dizaines de tours. Huit portes monumentales, ornées de décors destinés à effrayer l’ennemi, permettaient d’y pénétrer. Dominant l’ensemble, du haut de ses 90 mètres, se dressait la fameuse tour de Babel, dédiée à Mardouk, le principal dieu du panthéon babylonien. Considérée comme le centre de l’univers, elle était surmontée de deux énormes cornes d’or.

Cette démesure a largement contribué à forger le mythe de Babylone, ainsi que le nom même de la ville, signifiant la  » porte des dieux « . La cité, fondée au IIIe millénaire avant notre ère, prit son essor sous le règne d’Hammourabi. Nabuchodonosor II en fit une capitale d’empire, haut lieu intellectuel et culturel de l’Orient. Sa splendeur fut telle qu’elle ne cessa d’attiser les convoitises. Une destinée exceptionnelle que retrace le Louvre.

L’exposition, passionnante, ressuscite la ville historique. Et montre que le mythe de Babylone a survécu à la disparition de celle-ci. Jusqu’aux premières fouilles, menées à la fin du xixe siècle, son image ne s’est diffusée qu’à partir de textes mêlant légende et réalité, laissant libre cours aux fantasmes. Si les auteurs classiques, dans le sillage de l’historien grec Hérodote, immortalisèrent la splendeur inégalée de la cité antique, les textes bibliques, eux, stigmatisèrent Babylone.

 » Les époques marquées par des catastrophes ou par les condamnations morales ont renvoyé à l’image de la ville maudite « , explique Sébastien Allard, l’un des deux commissaires de l’exposition. Ainsi, lorsque Luther, au xvie siècle, condamne Rome, il l’assimile à Babylone. Mais, au xviiie, les Lumières en firent le symbole du génie humain, avant que revienne, au xixe, le temps des doutes. La révolution industrielle, durant laquelle voisinèrent luxe et misère, fut assimilée à la Babylone biblique.

Le cinéma, lui aussi, s’empara du mythe. En 1916, alors que la guerre fait rage en Europe et que les empires vont bientôt s’effondrer, le réalisateur américain D. W. Griffith reprend le thème de la chute de Babylone dans son film Intolérance, projeté dans l’exposition. Plus proche de nous, après l’écroulement, à New York, des Twin Towers, le 11 septembre 2001, certains artistes ont, une nouvelle fois, fait référence à la malédiction de la tour de Babel. En Irak, le site de Babylone, mémoire de l’humanité, est aujourd’hui un territoire dévasté par la guerre. Babylone est poursuivie par sa légende. Aucune pièce n’a pu être prêtée par le musée de Bagdad. l

Babylone. Musée du Louvre, Paris (Ier). Jusqu’au 2 juin. A lire : le catalogue (Hazan/Louvre). A voir : soirée Thema, le 6 avril, sur Arte.

Annick Colonna-Césari

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