Conquistadors de l’or

Avec son air de corsaire pacifique, Jean-Paul Delfino nous emporte dans l’épopée du Brésil. Une contrée aussi aventureuse que ses deux héros, affrontant leurs démons, leurs passions et leur désir de reconstruction.

Kerenn Elkaïm

Le Vif/L’Express :  » Le Brésil risque tout autant de vous déplaire que de vous émerveiller.  » Comment l’avez-vous découvert et quelle en est votre perception ?

Jean-Paul Delfino : Chacun a une étoile qui le guide, pour moi c’est le Brésil. L’histoire tourmentée de ce pays nourrit mon imagination. J’admire la façon dont les trois peuples – Indiens, Européens et Africains – ont réussi à se fondre en un seul. Les Brésiliens sont d’une grande générosité et richesse spirituelle. Il ne s’agit pas de superstition. Une réalité non figée, c’est ça le Brésil. Le pays actuel incarne un immense espoir.

Ce roman-ci revient sur la violence de la conquête de l’or au XVIIIe siècle. Est-il symbolique de la cupidité des hommes ?

Mes romans composent une fresque brésilienne. Le plus beau compliment qu’on puisse me faire, c’est de me dire qu’ils sont éminemment contemporains. L’écriture représente un voyage dans le temps, l’espace et l’imaginaire. Grâce à elle, le lecteur peut être transporté dans l’émotion, l’indignation, le rire ou l’amour. J’estime que la fiction est aussi vivante que le Brésil. Chaque livre correspond à une période clé de ce pays. Après avoir conté l’arrivée des premiers esclaves nègres, voici l’aventure de l’or, qui a permis au Portugal d’exister et au Brésil de s’enrichir, afin d’avancer vers son indépendance. L’envie est une notion étrange, elle peut être constructive ou destructrice. L’or n’est pas plus fort que l’homme, d’un point de vue spirituel, mais il risque de faire retourner les têtes les plus sages.

Pourquoi cultivez-vous les personnages qui s’extraient de leur condition ?

La destinée est une chose qui existe, mais qu’on ne bâtit pas obligatoirement. J’ai beaucoup d’admiration pour des gens comme mon grand-père, qui a eu son certificat d’étude alors que ce n’était pas courant. Or il a suffi qu’il casse la vitre d’une pharmacie avec un ballon, pour qu’il doive passer 40 ans au fond d’une mine ! Il en va de même pour Lula, qui a dû arrêter l’école à 11 ans. Son père alcolo étant parti, il devait aller travailler. Aujourd’hui, son héritage est excellent. Lula est un homme de bien qui a réussi à changer sa condition. Ce roman est celui de la rédemption. Il montre qu’on peut sortir de la punition et de la misère pour atteindre une grandeur humaine. Chacun décide de sa vie, mais la réalité est manichéenne. Au début, le marquis de Pompal est perçu comme un bienfaiteur, qui reconstruit Lisbonne après le tremblement de terre de 1755. Il se révèle pourtant être un Sarkozy en puissance ! La destinée de Dom Cristiano da Fonseca est de vivre l’Histoire au plus près, au plus fort. Cet homme, incapable d’aimer, ne sait que désirer. Si on donne le pouvoir absolu à un faible, on ne peut que s’attendre à la catastrophe. Zumbi représente son jumeau inversé, puisque ce faible est fondamentalement bon. Ce fils d’esclave prouve qu’il est toujours possible de rêver. En lui ouvrant les portes de la connaissance, Laurinda l’aide à briser les chaînes de l’ignorance. C’est en parvenant à réfléchir sur le monde et sur soi-même, qu’on peut lutter sans fusil.

Quel est le prix à payer pour saisir le trésor de la vie ?

On n’est pas obligé de mourir pour renaître, mais Zumbi me renvoie à Nietsche :  » Ce qui ne nous tue pas, nous rend plus fort.  » Le facteur chance est déterminant. Et puis, il y a l’amour dont la force est infinie. Zumbi a un garde-fou que représente l’Aveugle, mais on peut voir une personne extraordinaire, sans savoir l’entendre. Pour avoir accès à la liberté, il faut le vouloir et assumer ce choix. Ici, la révolution germe, mais n’éclate pas. Il faut parfois quitter un lieu ou un bonheur, pour aller vers l’ailleurs. Ma liberté ? Ecrire et préserver le Brésil comme une amante, un jardin secret…

KERENN ELKAÏM

Pour tout l’or du Brésil, par Jean-Paul Delfino, éd. Le Passage, 395 p.

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