Cinéma Vengeance ou pardon ?

Louis Danvers
Louis Danvers Journaliste cinéma

Un fils veut venger son père, victime d’un meurtre politique, dans le sobre et prenant Daratt, du réalisateur tchadien Mahamat-Saleh Haroun

Faire un film n’est pas une mince affaire au Tchad. Lorsque des rebelles venus du Soudan ont attaqué la ville où il était en plein tournage de Daratt, Mahamat-Saleh Haroun a dû mettre son équipe à l’abri des combats, menés parfois à l’arme lourde…  » Quand nous avons pu reprendre le travail, se souvient le jeune cinéaste, je ressentais encore plus fort la conviction que ce film était une chose nécessaire.  » Daratt, prix spécial du jury au dernier Festival de Venise, est né de la mémoire pesante, douloureuse  » de tous ces morts, de tous ces êtres que j’ai perdus dans la guerre civile et qui hantent mon quotidien « , précise le réalisateur. L’anecdote de son film, il en a eu l’idée lorsqu’un survivant,  » victime d’une exécution collective, qui avait fait semblant d’être mort au milieu des cadavres de ses camarades et que les bourreaux avaient omis d’achever « , lui raconta qu’il lui arrivait encore de croiser dans la rue certains ex-soldats, membres du peloton qui l’avait fusillé !  » Dans ce contexte de dramatique frustration, de grave sentiment d’injustice, dans ce déni des souffrances subies, j’ai voulu parler de la souffrance, du désir de vengeance que suscite l’impunité des coupables « , explique Mahamat-Saleh Haroun.

Allumer une bougie

Le jeune héros du film, Atim, 16 ans, apprend par la radio l’amnistie des crimes commis durant la guerre civile, donc aussi du meurtre de son papa. Il reçoit de son grand-père le pistolet avec lequel il ira lui-même tuer le coupable avéré. Et de se rendre à la ville, où il retrouvera l’assassin, devenu boulanger. Introduit chez lui incognito pour y travailler, il verra sa résolution vaciller… Film courageux, sobre et bouleversant sur l’impasse de la violence et la possibilité d’un avenir vierge de sang répandu, Daratt est aux yeux de son auteur  » comme une bougie allumée dans le sombre tunnel dans lequel nous sommes engagés, et au bout duquel nous espérons trouver la lumière « .

Conscient de la fragilité d’un espoir encore amoindri aujourd’hui par le conflit larvé avec le voisin soudanais, Mahamat-Saleh Haroun dédie son film à un peuple tchadien qui, faute de salles de cinéma dans le pays, ne pourra le voir que dans quelques vidéoclubs montrant des DVD dans de petites pièces où l’on s’entasse pour un trop rare spectacle. Ses deux premiers longs-métrages, Bye Bye Africa (1994) et Abouna (2002), avaient pu être montrés dans un cinéma ambulant, allant de ville en ville et de village en village. L’insécurité actuelle empêche d’en faire de même pour Daratt

Louis Danvers

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