Chypre en ses icônes

Guy Gilsoul Journaliste

Sur l’île d’Aphrodite, l’art de peindre des icônes combine la tradition orientale aux influences de l’Occident.

De par sa position géographique, l’île de Chypre a toujours attiré les convoitises tout à la fois de l’Orient et de l’Occident. Cependant, dès l’époque crétoise mais surtout à partir du IVe siècle av. J.-C., l’hellénisation s’impose et, à sa suite, la pensée byzantine (donc, l’art des icônes). Mais l’exposition n’évoque pas ces fondations culturelles. Elle préfère évoquer la suite.

Dès le XIIe siècle, en effet, l’île passe sous domination franque (qui impose la religion chrétienne d’Occident) puis vénitienne et enfin ottomane avant d’être colonisée par l’Empire britannique jusqu’en 1960. Cette Histoire nous est racontée via cartes, documents (rares parfois comme le codex de Turin du XVe siècle), peintures – un très beau portrait réalisé par le Tintoret – mais surtout icônes. En tout, exceptionnellement sorties du pays, elles sont une cinquantaine à nous rappeler qu’une icône n’est pas une peinture comme les autres même si, dans le cas de la production chypriote, elle intègre de nombreuses influences.

L’invisible

Explication par l’exemple : La Vierge à l’Enfant, de Kyperousta (XVIe siècle). L’icône n’est pas figurative au sens de la tradition occidentale. Elle ne vise pas davantage l’abstraction mais propose les deux en même temps. Du coup, elle invite l’observateur à s’ouvrir à l’invisible. Elle est même, disent les théologiens orthodoxes, habitée par les  » énergies divines  » et produite comme une vision. Elle est  » habitée « .

On la promène, l’encense, la caresse, la baise. Dans la maison, elle est comme une amie, peut-être même une thérapeute. Dès lors, ce serait même elle (via le regard de la Vierge par exemple) qui nous regarde et nous apaise.

Cependant, chaque élément (le décor, les gestes et expressions, voire le choix des couleurs) invite aussi à une lecture symbolique. Observons, par exemple, les doigts de la main gauche du Christ. L’index et le majeur dressés renvoient à sa double nature (homme et Dieu), alors que les trois autres sont réunis et signifient l’unité de la trinité.

Enfin, dans cet exemple choisi, l’influence de la Renaissance italienne se détecte dans la représentation de la figure de la Vierge ou celle de l’Enfant qui n’est pas traitée comme une surface mais en volume. Pour en savoir plus sur ces relations entre Orient et Occident dans l’art (de l’icône), suggérons la lecture des longues et patientes recherches d’une auteure belge, Anne-Marie Velu (éd. Cerf-Histoire) dont l’enquête a débuté, justement, dans une église de Chypre. Pas à pas, elle suit un seul thème en ses multiples variations : celui de la visitation.

Mapping Cyprus, Au Bozar, 23, rue Ravenstein, à Bruxelles. Jusqu’au 23 septembre. www.bozar.be

GUY GILSOUL

Vous avez repéré une erreur ou disposez de plus d’infos? Signalez-le ici

Contenu partenaire