Christopher Lee fait du bien au Mal

L’ex-Dracula est le méchant Saruman des Deux Tours. Rencontre

Indispensable Christopher Lee! A 80 ans, l’ex-interprète de Dracula confère au méchant Saruman une aura singulière. L’acteur britannique réussit l’exploit d’être au générique des deux trilogies les plus populaires de ce début de millénaire puisque, en plus du Seigneur des Anneaux, il joue dans celle de La Guerre des étoiles. A en croire une rumeur insistante, il devrait même y ajouter bientôt la série des Harry Potter! « Je n’ai encore reçu aucune proposition concrète », déclare Lee, que les fans de l’apprenti sorcier à lunettes ont massivement désigné – via Internet – comme leur premier choix pour succéder au regretté Richard Harris dans le rôle du Professeur Dumbledore. « J’ai obtenu plus de la moitié des votes, le deuxième n’atteignant même pas 20% », sourit le grand acteur de composition qui s’empresse d’ajouter: « Si on me propose le rôle, je serai ravi. A l’âge qui est le mien, trouver simplement l’occasion de travailler est déjà un bonheur! » Et de décrire, l’oeil pétillant, ces réunions de production où l’on cherche un interprète pour tel ou tel personnage et où quelqu’un lance « Il y a Christopher Lee », un autre demandant « Bon Dieu! Il est toujours vivant? », l’accord se faisant rapidement sur son nom, « la concurrence s’amenuisant d’année en année… ».

Christopher Lee, qui a aussi tourné récemment avec Tim Burton (dans Sleepy Hollow, la légende du cavalier sans tête), tient une forme éblouissante. Habillé avec classe, n’hésitant pas à chanter – remarquablement – un air de Wagner ou à parler japonais pour éblouir les journalistes, celui qui connut la gloire dans les années 1950 à 1970 campe avec force le sorcier Saruman dans la trilogie du Seigneur des Anneaux. Un « méchant » flamboyant, mais aussi « un ange déchu » puisqu’il pratiqua une magie positive avant d’être gagné par la corruption du pouvoir et de se consacrer au triomphe du Mal. Lee place l’oeuvre de Tolkien au niveau de l’ Iliade et de l’ Odyssée, d’Homère, et affirme son « intense fierté » de faire partie de son adaptation par Peter Jackson. Ce dernier est un fan avoué de l’acteur, tout comme Steven Spielberg (qui le dirigea dans 1941), Martin Scorsese, John Carpenter, George Lucas et Brian De Palma. « Tous m’ont dit qu’ils ont grandi en adorant mes films et ça me touche énormément, avoue Christopher Lee, d’autant que leur admiration ne va pas qu’à mes films d’épouvante mais aussi aux nombreuses comédies que j’ai tournées, et que Dracula et compagnie ont un peu éclipsées… » Le comédien vétéran n’en éprouve pas pour autant le moindre regret, car « servir le genre fantastique fut un plaisir et un honneur. C’est ma petite contribution personnelle à ce grand dessein collectif qu’est, à mes yeux, la nécessité de ne jamais perdre l’enfant qui est en nous ».

La question du Bien et du Mal, au centre des Deux Tours comme de toute la trilogie du Seigneur des Anneaux, inspire à l’interprète du terrible Saruman des réflexions peu optimistes. « Si les spectateurs d’aujourd’hui, et plus particulièrement les jeunes, veulent tellement s’identifier à des héros positifs comme Aragorn et Frodon, c’est peut-être en partie parce que le monde autour de nous renvoie si constamment à des émotions négatives, à la peur, à la haine. Aucun pays n’est à l’abri de la menace. Le monde est malheureux, le monde est plein de gens mauvais. Famine en Ethiopie, terrorisme à Bali, l’horreur est partout. Et les choses iront d’autant plus mal qu’on ne veut plus voir l’Autre dans sa complexité. J’ai tourné un film au Pakistan, Jinnah, où je joue le fondateur de la nation pakistanaise. C’est un très bon film. Il a été projeté avec succès dans de nombreux festivals. Mais il n’est sorti qu’au Pakistan. Nulle part ailleurs. Personne ne veut y toucher. Parce que Jinnah était un musulman. Et qu’on ne veut pas déroger à l’image négative de l’islam montrée par les médias et promue par une minorité de fanatiques… »

Un instant pensif, Lee chasse néanmoins ces pensées sombres au nom du « droit et du devoir de rêver, en dépit de tout, à un monde meilleur ». « On vient encore de me proposer deux films à tourner avant l’été prochain », conclut-il en souriant, avant d’ajouterdans un grand éclat de rire: « Il ne me reste plus qu’à rester vivant jusque-là! »

L.D.

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