
Charlotte, impériale
Les Français Fabien Nury et Matthieu Bonhomme poursuivent leur brillantissime biopic de Charlotte de Belgique, soeur du roi Léopold II, qui fut – brièvement – impératrice du Mexique. Un destin aussi fou que l’était la gestion des colonies de l’époque…
Peu se souviennent, à part les lecteurs et les auteurs de la formidable minisérie Charlotte Impératrice (1), qu’un an avant que Léopold II ne succède à son père à la tête de la Belgique (en 1865), et près de dix ans avant qu’il ne fasse du Congo sa propre colonie, sa soeur Charlotte se retrouva propulsée impératrice du Mexique.
Un pays à l’autre bout du monde, où elle n’avait jamais mis les pieds, tout comme son mari l’archiduc Maximilien d’Autriche, mais que le jeu des alliances et des équilibres entre nations européennes colonisatrices allait bel et bien déposer sur un trône qui n’avait littéralement aucun sens : l’empire mexicain, régi comme » une monarchie tempérée et héréditaire sous un prince catholique » fera long feu et tournera au tragique. L’empereur finira fusillé, et sa femme folle ; lâchée par tous, elle entamera après cet épisode un confinement quasi total qui durera près de soixante ans, jusqu’à sa mort, à Meise, en 1927. Une histoire incroyable, racontée à hauteur de princesse par un duo au sommet de son art, tant graphique que narratif. » Le premier volet était focalisé sur le personnage et sa jeunesse « , nous explique le scénariste Fabien Nury, » mais là, on rejoint enfin le terrain des opérations, et c’est Sissi qui visite La Horde Sauvage ! On y savoure aussi l’absurdité de la situation : impératrice d’un pays qu’elle n’a jamais connu ! Elle s’est en réalité retrouvée face à un problème sans solution ; et ça c’est toujours un bon carburant pour raconter une histoire. Je cherchais un western, j’ai trouvé une princesse. »
Désastre colonial
Auteur touche-à-tout mais spécialiste du récit historique (on lui doit entre autres la série Il était une fois en France, le diptyque La Mort de Staline ou Katanga, qui revenait sur la sécession de cette province congolaise en 1960), Fabien Nury a trouvé en Charlotte une héroïne qu’aucun scénariste n’aurait pu inventer. Féministe et révolutionnaire avant l’heure (devenue régente du Mexique suite aux absences répétées de son mari un peu perché, Charlotte fit promulguer des lois en faveur des Indiens, hostile aux grands propriétaires terriens), mais surtout pion sacrifié d’une partie d’échecs entre grandes nations européennes qui n’en finit pas de fasciner Fabien Nury. » C’est une histoire universelle, remplie elle-même d’histoires complètement folles. Et l’histoire ne demande pas toujours un discours compassé ; c’est une chevauchée, qui en dit long sur les désastres de l’expérience coloniale. » Un récit qui passe souvent par la Belgique quand il est raconté par Fabien Nury : » Avec Atar Gull, Katanga et maintenant Charlotte, c’est vrai que je m’aventure souvent sur vos terres : elles ont un goût de Françafrique. Dans ce tome-ci, on ne voit pas la famille royale parce que Charlotte ne la revoit pas non plus, mais elle réapparaîtra dans le dernier acte. »
(1) Charlotte Impératrice (2/3) – L’Empire, par Fabien Nury et Matthieu Bonhomme, Dargaud, 75 p.
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