Charles Picqué craint pour la vache à lait du pays

Aux commandes de la Région bruxelloise, le ministre-président Charles Picqué (PS) enrage et se désole de voir la capitale du pays si vilainement traitée par la Flandre et mal secourue par les francophones. Il redoute un suicide collectif.

Le Vif/L’Express : La Région bruxelloise est loin d’avoir reçu les 500 millions d’euros qu’elle réclamait, lors des dernières négociations institutionnelles. C’était couru ?

Charles Picqué : Une vague d’irrationalité suicidaire gangrène la vie politique et le sort réservé à Bruxelles. Affaiblir à petit feu la capacité d’investir pour moderniser la capitale, c’est jouer à la roulette russe.

Il y a vraiment péril en la demeure bruxelloise ?

L’attractivité économique de Bruxelles en souffre. Le démantèlement continu de l’Etat belge pourrait finir par lasser les institutions internationales. On n’y comprend pas que le pays hôte de la capitale de l’Europe soit l’objet d’une forme de chantage.

Qui sont les maîtres chanteurs ?

Certains Flamands font passer un refinancement de Bruxelles, qui est

aussi leur capitale, pour une concession aux francophones. Quelle imposture ! Refinancer Bruxelles, ce n’est pas refinancer des mendiants, mais une région victime de mécanismes financiers inadaptés et qui supporte des charges au bénéfice de tout le pays. On affaiblit la vache à lait de la Belgique.

La Flandre s’y abreuve tant que cela ?

472 millions d’euros filent chaque année de Bruxelles vers la Flandre en impôt des personnes physiques. Un beau transfert centre-nord…

Mais quel intérêt la Flandre aurait-elle à nuire à Bruxelles ?

Elle le fait pour des considérations tactiques ou émotionnelles. Certains Flamands ne rêvent plus de flamandiser Bruxelles, mais de la phagocyter pour l’intégrer dans une Flandre plus autonome. Il existe une véritable hostilité à l’égard de Bruxelles. Chez les Tobback, Peeters (NDLR : ministre-président CD&V de la Flandre) et, étonnamment, chez Dehaene.

En Flandre, certains, tel le bourgmestre SP.A de Louvain Louis Tobback, précisément, considèrent que la Région bruxelloise ferait mieux de balayer dans ses 19 baronnies communales…

Alibi classique pour ne pas financer Bruxelles et, donc, l’affaiblir. Ou pour faire disparaître tous ces bastions francophones. Y a-t-il trop de mandataires communaux à Bruxelles ? Non, on compte un conseiller communal pour 1 522 habitants en Région bruxelloise ; un pour 697 habitants en Brabant flamand.

Vous cognez facilement sur les Flamands. Mais les francophones sont-ils à la hauteur ?

Le véritable obstacle au refinancement de Bruxelles est venu du CD&V. Mais aussi d’un manque d’unité francophone, c’est clair.

Vous aviez pourtant été élogieux envers Yves Leterme et sa sensibilité subite pour les problèmes bruxellois ?

Il faut l’encourager, pour éviter chez lui le syndrome de l’échec. Quand les structures échouent et que les stratégies de partis s’opposent, il reste à parier sur l’humain en politique.

Faire cause commune avec la Wallonie ne dessert-il pas le combat bruxellois ? La Flandre ne vous fera jamais de cadeau…

C’est aux Wallons que la Région bruxelloise doit son existence ! Nous avons toujours été critiqués par la Flandre. Je voudrais soustraire Bruxelles de ce jeu de quilles.

Le refinancement de Bruxelles reviendra sur le tapis du deuxième round des négociations institutionnelles. Ça passe ou ça casse ?

Trois scénarios sont possibles : soit on se donne encore des années pour toucher au c£ur même de l’Etat belge, soit c’est le clash institutionnel, soit on entre dans un confédéralisme qui n’osera pas dire son nom. Bruxelles n’a rien à gagner à rester un élément de marchandage. Mieux vaut une explication franche et définitive qu’un lent pourrissement.

Propos recueillis par Pierre Havaux

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