Dans l'impro, tout est bon. C'est un cocon sans attentes ni obligations, sans perdants ni gagnants. Vous pouvez pendant un moment être quelqu'un de différent ! © belga

Champ libre à l’imagination !

Il n’y a ni scénario, ni décor, ni dialogue prédéfini. Seulement une ou plusieurs personnes qui avancent, avec confiance, persuadées que les idées vont jaillir d’elles-mêmes. Quiconque a déjà expérimenté l’impro le sait : rien de tel pour nourrir la confiance en soi, l’interactivité et la créativité.

Le décor : un banc en bois sur une scène de théâtre vide de tout accessoire. Les acteurs : une dizaine de participants à un atelier de théâtre d’impro pour débutants. Les données de l’exercice : un banc dans le parc, vous interprétez un passant et essayez d’une manière ou d’une autre de déloger votre partenaire d’impro et de prendre sa place. Le jeu commence, le premier  » comédien  » s’assoit sur le banc et attend. Tout est calme, jusqu’à ce qu’il soit harcelé successivement par une personne ivre sur le point de vomir, une autre qui n’arrête pas de parler, une troisième qui lui fait des avances et… un chien qui lève la patte contre sa jambe. Un joueur après l’autre trouve l’inspiration et s’avance, même ceux qui avaient indiqué préalablement qu’ils préféraient s’abstenir.

 » Ça, c’est de l’impro « , explique Dries Desmet, qui pratique cette technique depuis des décennies.  » Pas besoin d’apprendre des textes par coeur ou de revêtir de couteux costumes. Pas de régisseur qui vous montre où vous devez vous placer ou qui vous fait répéter une scène à l’infini. Dans l’impro, tout est bon. C’est un cocon sans attentes ni obligations, sans perdants ni gagnants. Vous pouvez pendant un moment être quelqu’un de différent ! Vous pouvez arriver tendu et de mauvaise humeur et jouer le rôle d’un enfant joyeux sur son vélo rose. Et le plus beau, c’est qu’à l’issue du jeu, vous devenez un peu cet enfant joyeux qui a déteint sur votre état d’esprit.  »

Oui, bonne idée !

L’improvisation n’est pas que du plaisir et de la détente : elle aiguise aussi vos sens et élargit votre zone de confort, grâce à plusieurs principes de base. Règle numéro 1 : prenez l’habitude de dire  » oui  » au lieu de  » oui, mais  » ou  » non « .  » Acceptez ce que l’autre dit, même s’il emprunte une piste à laquelle vous ne vous attendiez pas. Si vous acceptez et embrayez sur les idées et impulsions des autres, vous construirez le jeu de manière positive et constructive. Vous irez alors beaucoup plus loin que si vous vous bloquez dans une attitude de refus. Celui qui réagit aux tournures inattendues et s’écrie toujours ‘Oui, bonne idée ! ‘ n’aide pas seulement son coéquipier et le jeu à progresser, mais se rend lui-même service.  »

Deuxième grand principe : on peut faire des erreurs. Mieux encore, elles font partie du jeu ! Lors d’un exercice d’improvisation, on fait en effet des choses que l’on n’a pas imaginées au préalable.  » Sans erreur, il n’y a pas d’improvisation, reprend Dries Desmet. Ce n’est qu’en vous autorisant à faire des gaffes – et en les cultivant, même – que vous arrivez à de nouvelles perspectives ou possibilités. Loin de vous freiner, elles vous propulsent au contraire en avant. Dans la vie quotidienne, vous évitez ou ramassez une peau de banane ; lors d’un exercice d’impro, c’est justement plus intéressant de glisser dessus et de voir ce que cela va provoquer ensuite.  » Pas étonnant que dans beaucoup d’exercices d’impro, on sort de l’échec en beauté. Il est alors possible de voir que l’on peut se sortir de toute situation !

Collaboration et confiance

L’impro, c’est aussi une aventure collective. Si à un moment donné, vous ne savez plus que dire ou faire, votre coéquipier aura peut-être une idée et poursuivra l’exercice, vous donnant une autre source d’inspiration. L’accent réside sur le  » nous  » et la coopération et non sur le  » je  » et la compétition.  » Quand un membre du groupe se montre brillant et fait une sortie géniale, vous trouvez cela formidable aussi. Et qui sait, peut-être est-ce vous qui avez donné le coup de pouce à ce trait de génie. L’impro est un jeu d’équipe, fait de collaboration et de confiance. Pas étonnant que les exercices d’impro soient fréquemment utilisés aussi dans des formations et des activités de teambuilding. Avec comme objectifs : tirer profit des atouts de chacun, bien communiquer, ne pas craindre les changements mais justement accueillir l’imprévu et apprendre à connaître ses collègues d’une autre manière.  »

Les exercices d'improvisation vous rendent conscient de votre comportement et vous invitent à l'évaluation. Qu'est-ce que cela fait de jouer le rôle d'une femme qui demande de l'aide pour tout ce qu'elle fait alors que c'est tout le contraire de ce que vous faites en temps normal ?
Les exercices d’improvisation vous rendent conscient de votre comportement et vous invitent à l’évaluation. Qu’est-ce que cela fait de jouer le rôle d’une femme qui demande de l’aide pour tout ce qu’elle fait alors que c’est tout le contraire de ce que vous faites en temps normal ?© BELGA

Marthe D’Hooghe a animé de nombreux ateliers d’impro.  » Ce qui m’a motivée à me lancer dans ce type d’aventure ? Je suis professeure et je me suis dit que l’expérience d’impro me viendrait probablement à point lors de situations inattendues en classe. Mais je l’ai fait surtout pour mon plaisir. Et cela a marché : je n’ai jamais suivi un cours où j’ai tant ri !  » Marthe se souvient combien on insistait au début sur la collaboration.  » Vous ne vous trouvez pas sur scène en tant qu’individu, mais en tant que groupe. Il est important de rester attentif aux autres de manière à pouvoir continuellement réagir à ce qu’un tel dit ou fait. Nous nous sommes beaucoup entraînés dans ce sens. Un jour, nous étions tous des vaches en train de paître dans un champ, jusqu’à ce que l’un de nous lève le nez pour regarder passer un train – les autres devaient suivre le regard de cette vache jusqu’à ce que le train soit passé. C’était hilarant !  »

Transformation

Dans un contexte thérapeutique, on utilise aussi parfois des techniques d’impro. Ce qui n’étonne pas Dries Desmet, qui y voit une passerelle logique entre deux mondes : celui du théâtre d’impro et celui de son métier de coach antistress/burnout et de formateur en entreprises.  » L’impro, c’est une affaire de transformation. Faites jouer à un homme timide le rôle d’un Ecossais costaud qui soulève un tronc à lui seul, et il se passe quelque chose chez cet homme : il devient plus large et plus grand et il en arrivera peut-être à lever triomphalement son poing en l’air. Ce qui est formidable, c’est que cette expérience restera imprimée dans son cerveau. Je vous garantis que cet homme sortira d’ici différent de quand il est entré.  »

Les exercices d’improvisation vous obligent également à vous regarder en face : ils vous rendent conscient de votre comportement et vous invitent à l’évaluation. Qu’est-ce que cela fait de jouer le rôle d’une femme qui demande de l’aide pour tout ce qu’elle fait alors que c’est tout le contraire de ce que vous faites en temps normal ? Ou d’interpréter un homme qui a prend toujours son temps alors qu’en réalité vous menez une vie de fou ?  » Ce qui étonne, c’est que lorsque vous vous imposez un certain comportement et que vous le répétez au quotidien, il peut devenir une attitude. Tout sportif le sait : le changement se base sur la répétition. Celui qui joue suffisamment souvent acquiert à la longue davantage de confiance en lui. En théâtre d’impro, on devient ce que l’on joue. Se focaliser sur son attitude corporelle aide aussi, car celle-ci détermine en partie la manière dont vous vous sentez. Imaginez qu’au nettoyage à sec, on vous dit que votre pantalon préféré porte une tache indélébile : si vous vous redressez, votre esprit comprendra que cela ne peut pas être si grave, puisque vous ne vous recroquevillez pas de honte. Si vous faites cela de manière cohérente, quelque chose va changer en vous. Vous n’aurez pas nécessairement moins de problèmes mais vous les considérerez différemment.  »

Leçons de vie

En tant qu’enseignante, Marthe avait l’habitude de se tenir devant un groupe. Etudiante, elle avait fait du théâtre amateur, donc elle avait une certaine expérience de la scène.  » Mais l’impro, c’est tout de même différent, raconte-t-elle. On doit fait une confiance totale à son inspiration du moment. Et à ses coéquipiers, qui doivent vous récupérer quand vous êtes en panne. Au début, j’ai trouvé cela passionnant, aussi parce que je n’y connaissais personne. Mais l’ambiance était tellement positive et constructive que le stress a rapidement disparu.  » La participation à des ateliers d’impro a boosté sa confiance en elle.  » Je suis devenue plus à l’aise avec des inconnus, j’ai confiance dans le fait que je peux toujours entamer une conversation avec quelqu’un. Cela va de soi, quand on regarde et on écoute bien.  »

Regarder et écouter, c’est une base. Mais il y a d’autres outils qui viennent à point : oser rater, se redresser quand quelque chose ne va pas et continuer, gérer l’inattendu, reconnaître des patrons de comportement et lâcher prise, penser autrement, focaliser sur des possibilités et non sur ce qui n’est pas possible…

 » J’envoie mes clients régulièrement à des ateliers d’impro « , explique le psychologue-psychothérapeute Herman Dierickx, qui un jour a suivi un cours d’impro et a été convaincu de son effet positif.  » Cet exercice est à conseiller surtout aux personnes en quête d’une manière de mieux gérer leurs insécurités ou leurs angoisses. Cela les oblige à sortir de leur zone de confort, en toute sécurité, et à déplacer leurs limites. On apprend à accepter ses doutes et à être bienveillant envers soi-même : tout ce que vous dites et faites, vous le faites à votre manière et cela est positif. On apprend à être attentif à soi-même, ici et maintenant. On apprend aussi à se détacher de ce que d’autres pensent de soi, non pas parce que l’on s’en fiche, mais parce que l’on est bien comme on est. Cet état d’esprit issu du théâtre d’impro imprègne les autres domaines de la vie. « 

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