Chambre à part pour les Flamands de Bruxelles ?
Ils ne manquent pas d’air, les Flamands de Bruxelles candidats à la Chambre : ils demandent tout benoîtement aux électeurs francophones de voter pour eux…
Les Flamands de Bruxelles ne pourront sans doute pas envoyer de député à la Chambre : aucun des partis néerlandophones ne devrait en effet atteindre, à Bruxelles-Capitale, le seuil électoral de 5 %, à partir duquel une liste peut prétendre participer au partage des sièges. Et ça, ça vaut plus qu’un recensement. Si l’on en croit le dernier sondage Ipsos-RTL-Le Soir, seul l’Open VLD, qui avait réalisé un score de 2,3 % aux élections fédérales de 2010 s’en approcherait, avec 4,3 % des intentions de vote (sur la base toutefois d’un échantillon assez restreint). Suivent le SP.A (2,9 %), la N-VA (2,6 %), Groen (2,5 %), le CD&V (0,8 % et le Vlaams Belang (0,7 %). Les 15 députés fédéraux que Bruxelles-Capitale, la nouvelle circonscription issue de la scission de BHV, devra élire seront donc 15 francophones. A moins que…
Ecolo-Groen : addition
A moins qu’Ecolo fasse élire 3 députés : la 3e place sur la liste commune, emmenée par la députée sortante Zoé Genot, sera en effet attribuée à un candidat de Groen, le parti frère (un sens de la famille que les Verts mettent volontiers en avant). En l’occurrence, ce sera une candidate (les Verts appliquent la tirette intégrale) : Annalisa Gadaleta, d’origine italienne, échevine à Molenbeek. Si Ecolo, qui avait conquis 2 sièges en 2010, réalise le même score en mai prochain, les Verts, ensemble, pourraient décrocher un 3e poste, qui serait donc pour Groen. Des voix francophones permettraient ainsi, curieux paradoxe, de gonfler le groupe linguistique flamand de la Chambre.
A moins que les partis flamands présentent une liste commune, idée qui avait été suggérée par le président du CD&V Wouter Beke. Mais ce ne sera pas le cas : Groen, déjà, n’en serait pas, on vient de le voir, et Guy Vanhengel, pour l’Open VLD, a affirmé il y a déjà longtemps (juin 2012) qu’il n’en voulait pas.
A moins que des électeurs francophones votent pour des listes flamandes, ce qui ne manquerait pas de sel. Certains candidats flamands ont en effet imaginé cette drôlerie d’appeler les francophones à voter pour eux afin, argumentent-ils, de renforcer le poids des partis traditionnels flamands face à la N-VA. Les francophones au secours des Flamands pour battre les nationalistes flamands…
La drague des francophones
Brigitte Grouwels (CD&V), ministre bruxelloise des Travaux et de la Mobilité, avait déjà tiré sur cette grosse ficelle à la veille des élections communales d’octobre 2012, déplorant que, au niveau communal tout comme au fédéral, » les Flamands n’ont même pas de représentation garantie « , et appelant, en français, à voter pour des candidats flamands. Un respect des minorités à géométrie variable.
Le dernier essai en date est à mettre à l’actif de Benjamin Dalle, qui emmène la liste fédérale du CD&V, et qui, pour tenter de convaincre les francophones, dit pis que pendre de la N-VA, l’ancienne compagne de cartel, » qui veut faire cogérer la Région bruxelloise par les deux autres « . Pas nous pas nous, assure-t-il. Le CD&V, il est vrai, n’est pas au mieux dans les sondages sur Bruxelles et est donc bien obligé de faire feu de tout bois dans l’espoir chimérique de faire élire un des siens. » Je ne dirai jamais que c’est mission impossible « , répond le jeune candidat, d’origine west-flandrienne (Damme), » collaborateur proche de Jean-Luc Dehaene lors de sa mission pour résoudre le problème de BHV « , écrit-il – cela ne s’invente pas ! – sur son site personnel. » La circonscription de Bruxelles-Capitale compte 600 000 électeurs, poursuit-il, mais un tiers des familles ne sont ni francophones ni néerlandophones. Nous devons convaincre tous les Bruxellois, dont les francophones, par nos idées politiques. »
On notera enfin que la N-VA, elle aussi, veut séduire l’électorat francophone : elle a attiré sur sa liste bruxelloise un candidat francophone, originaire de Charleroi, qui assure sans rire que » même pour les francophones, la N-VA est la seule garantie pour un changement « . Sans toutefois préciser lequel.
Les Flamands de Bruxelles lâchés ?
Ainsi isolés au niveau fédéral, les Flamands de Bruxelles n’ont-ils pas le sentiment d’avoir été lâchés par les Flamands de Flandre ? » La scission de BHV était une demande flamande, répond Benjamin Dalle qui, rappelons-le, a suivi de près les négociations, et cette grande réforme nous empêche de désormais nous adresser aux électeurs de Hal-Vilvorde. Soit. Mais en réalité, il n’y a pas de différence, nous sommes tous des Flamands, des Belges flamands, et aussi des Européens. »
L’essayiste Guido Fonteyn, ancien journaliste à De Standaard pour lequel il a suivi de près la politique wallonne, est un vrai Flamand de Bruxelles. » Oui, cela me choque sur le principe que les Flamands de Bruxelles puissent ne plus être représentés au Parlement fédéral, réagit-il, tout en nuançant : il faut comprendre que les Flamands de Bruxelles ne sont pas une population homogène, et qu’ils sont plus Bruxellois que Flamands, c’est quelque chose qu’on ne comprend ni en Flandre ni en Wallonie. Je me sens moi-même plus Bruxellois que Flamand, et je considère que la langue n’est pas le seul critère d’appartenance. »
Le seul député fédéral flamand de Bruxelles (tous les autres ayant été élus dans Hal-Vilvorde), c’est Steven Vanackere (CD&V), ministre des Finances du gouvernement Di Rupo, qui a démissionné suite au dossier ACW-Belfius, et qui sera candidat à l’Europe. Le seul, pour Guido Fonteyn, qui aurait pu porter la cause des Flamands de Bruxelles. » Mais il a déçu, poursuit le journaliste, il a démissionné pour des raisons personnelles. Résultat : il faut voir Reynders comme il rayonne. Sans grand nom flamand, pour lui, c’est tapis rouge ! »
Par Michel Delwiche
Les francophones au secours des Flamands pour battre les nationalistes flamands, voilà qui ne manquerait pas de sel…
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