C’est maintenant ou jamais

Lhassa compte ses morts. Sont-ils une dizaine, selon Pékin, ou une centaine, selon des sources tibétaines, à avoir perdu la vie sur le toit du monde ? Dans la capitale tibétaine, la situation est très tendue. Tout a commencé le 10 mars dernier, journée commémorative : voici quarante-neuf ans, les Tibétains se soulevaient, sans succès, contre l’armée d’occupation chinoise, amenant le dalaï-lama à quitter le palais du Potala, sa résidence à Lhassa. A Dharamsala, lieu de son exil indien, le chef spirituel et temporel d’un pays qui n’existe pas a tenu un discours virulent. Il a dénoncé les  » violations énormes et inimaginables des droits de l’homme  » au Tibet. Au même moment, à Lhassa, débutaient des processions de moines. Puis la rébellion a gagné plusieurs provinces proches. La répression chinoise ne s’est pas fait attendre. Le 16 mars, le Prix Nobel de la paix a repris la parole pour rappeler qu' » un génocide culturel est en train de s’accomplir « .

Ses mots ne sont pas trop forts. Que le Tibet ait été longtemps un pays arriéré, une théocratie de lamas qui n’a pas toujours favorisé le bien-être social de tous n’excuse rien. Et certainement pas l’attitude de la communauté internationale, qui s’est opposée si timidement à un colonialisme d’un autre âge, à une sinisation forcée, marginalisant les Tibétains sur leur propre territoire. Soucieuse de préserver de bonnes relations économiques avec Pékin, le monde a fermé les yeux sur l’agonie tout en discrétion d’une civilisation.

Aujourd’hui, à cinq mois de l’ouverture des Jeux olympiques, les Chinois et les Tibétains en sont conscients : c’est maintenant ou jamais que le Tibet arrachera la large autonomie culturelle qu’il revendique. Le dalaï-lama n’a pas pour autant appelé au boycott des JO. Il a raison. Ce n’est pas en empêchant les caméras de la planète entière de se rendre à Pékin que les journalistes auront l’occasion de dénoncer la propagande chinoise, que la lumière pourra être faite sur les exécutions capitales, sur l’absence de libertés politiques, sur la censure, sur les complicités de la Chine avec la junte birmane et sur son rôle au Darfour. Au contraire. Comparaison n’est pas raison : mais il est certain qu’en ouvrant l’Espagne au tourisme, Franco a préparé son pays, malgré lui, à la transition démocratique.

Pour la communauté internationale, c’est aussi le moment ou jamais de faire monter la pression : pour qu’un organisme international enquête sur les événements actuels au Tibet, pour que la Chine saisisse cette dernière opportunité qui devrait lui permettre d’engager un dialogue avec le dalaï-lama, alors que, sur le terrain, la jeune garde attache de moins en moins de prix à la voie pacifiste. Ce n’est pas seulement la  » survie  » de 5 millions de Tibétains face à plus de 1 milliard de Chinois qui est en jeu. Le combat est emblématique entre la défense du plus faible, le droit à la différence et au particularisme, d’une part, et le rouleau compresseur de l’impérialisme, d’autre part. En tant que puissance mondiale émergente, Pékin devrait assumer ses nouvelles responsabilités, ce qui suppose un consensus minimum sur les valeurs fondamentales. Et renoncer à une  » lutte à mort  » pour l’assimilation pure et simple du Tibet à la Chine.

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