» C’est la politique qu’il faut réformer « 

Pour le biologiste français, auteur de L’humanitude au pouvoir, Demain n’est qu’une mise en spectacle de réalisations connues. Pas de quoi contribuer à changer le système…

Jacques Testart, le biologiste qui a permis, en 1982, la naissance du premier bébé éprouvette français, a publié il y a un an un essai prônant une redynamisation de la démocratie par l’instauration de conventions de citoyens (des assemblées de personnes, tirées au sort, appelées à débattre d’un sujet d’intérêt général et dont les conclusions déboucheraient sur un texte législatif voté au Parlement). Dans Comment les citoyens peuvent décider du bien commun (Seuil, 2015), il aspire à l’émergence au pouvoir de l' » humanitude « , décrite comme  » l’étonnante capacité des simples citoyens à comprendre les enjeux, à réfléchir, à délibérer et à prendre des décisions au nom de l’intérêt commun de l’humanité « . Illustration avec le film de Cyril Dion et Mélanie Laurent ?

Le Vif/L’Express : Le film Demain et son succès en salles vous paraissent-ils relever d’un phénomène d' » humanitude au pouvoir  » ?

Jacques Testart : Je n’ai pas vu le film. Mais je vois bien l’état d’esprit dans lequel il a été réalisé. Montrer des personnes qui vivent de façon conviviale et frugale – ce que tout le monde serait avisé de faire – ne contribue pas à changer la politique et le système. C’est une apologie de la simplicité vantée par une starlette (NDLR : Mélanie Laurent) qui fait de la publicité pour Dior et d’autres marques. Promouvoir le consumérisme et défendre des gens qui vivent simplement est une contradiction complète et n’a rien à voir avec l’humanitude telle que je la conçois.

Y voyez-vous une démarche factice ?

Si les médias sont tellement enthousiastes pour ce film, c’est qu’il n’est pas conçu pour faire changer les choses mais bien pour mettre en spectacle des démarches que tout un chacun connaît pour peu qu’il parcoure Internet et lise le journal.

La défiance du politique est-elle dangereuse ?

Chaque mouvement de ce type s’accompagne d’une possibilité de basculement dont on ignore l’issue. L’extrême droite est à l’affût. Mais il faudrait que les politiques s’interrogent sur cette défiance. S’il y a un dégoût total du politique, ce n’est pas par hasard.

Comment réenchanter la politique ?

Que les politiques fassent leur job : représenter la population et ne pas la diriger en prétendant avoir toujours raison et vouloir changer les choses par des contre-révolutions permanentes. A ce rythme-là, on risque le pire. Mais ce n’est pas détruire le principe de la représentation politique qu’il faut faire, c’est le réformer.

Promouvoir la démocratie participative peut-il y contribuer ?

Les partis, les syndicats, les associations… ont tous leur rôle à jouer. Mais aussi les citoyens qui ne sont pas encartés dans une organisation. A cette aune, la convention de citoyens me semble la procédure la plus élaborée pour conduire au bien commun.

Entretien : Gérald Papy

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