CESSONS DE PÉNALISER LA JEUNESSE !

Pour beaucoup de jeunes aujourd’hui, l’avenir est lourd d’incertitudes. Leur inquiétude reste souvent contenue ; mais elle peut aussi s’exprimer de manière spectaculaire. A la  » primaire  » démocrate du New Hampshire, 80 % des moins de 30 ans ont soutenu Bernie Sanders. Chez nous, seule une petite minorité suit Daech dans ses folies, mais beaucoup seraient prêts à rejoindre un Sanders.

Car la crise économique a fait diverger considérablement les conditions de vie des plus jeunes et des plus âgés. Comme l’ont relevé les économistes Pia Huettl et Guntram Wolff (Le Monde, 14 janvier 2016), les indicateurs de pauvreté montrent que, partout en Europe, la jeunesse a été beaucoup plus touchée par la récession. Le chômage des jeunes a augmenté beaucoup plus fortement ; il touche souvent un jeune sur quatre et, parfois, un sur deux ! C’est d’autant plus inquiétant qu’il peut avoir des effets durables : une longue période de désoeuvrement juste après l’obtention du diplôme, c’est-à-dire au moment où l’on est censé acquérir ses premières compétences au sein du monde professionnel, peut mettre en péril l’ensemble d’une carrière. Le chômage des jeunes joue aussi négativement sur la démographie, car la faiblesse et la dégressivité de leurs revenus les poussent à retarder le moment de fonder une famille.

Des politiques publiques ont contribué à élargir cette fracture intergénérationnelle. D’abord, la politique budgétaire, trop restrictive dans plusieurs pays de la zone euro, a aggravé la récession et, par conséquent, provoqué des licenciements. Ceux-ci frappent des travailleurs de tous âges mais les plus jeunes sont souvent les premiers licenciés parce qu’ils travaillent encore sous contrat à durée déterminée. Ensuite, le choix des coupes dans les dépenses publiques a joué au détriment des jeunes générations et des investissements d’avenir. Il est électoralement moins risqué de supprimer des droits qui n’ont pas encore été acquis ou de reporter des investissements dont les effets ne profitent qu’à long terme. Enfin, plusieurs pays ont mis en oeuvre des réformes de leurs régimes de retraite qui, dans la plupart des cas, n’ont pas touché aux pensions existantes mais ont prévu une diminution parfois considérable du rapport entre la pension moyenne et le salaire moyen pour les futurs pensionnés. Ainsi, les jeunes savent déjà qu’ils bénéficieront de pensions moins élevées que celles dont jouissent leurs aînés.

D’autre part, notre système éducatif ne prépare pas suffisamment aux emplois de demain. Un indice parmi d’autres : en 2014, la proportion des 18-24 ans qui ont quitté prématurément l’enseignement sans diplôme s’élevait à 15 % en Wallonie et à 18 % à Bruxelles (8 % en Flandre). Autant de jeunes qui n’ont pratiquement aucune chance de trouver un emploi ! Dès lors, ceux qui s’opposent, sous divers prétextes, aux réformes qui visent l’enseignement contribuent aussi à creuser le fossé intergénérationnel. C’est le cas de ceux qui refusent un pilotage adhoc des écoles en difficulté ou qui freinent une réforme ambitieuse de la formation des enseignants qui les préparerait mieux à exercer un métier de plus en plus complexe.

Une Europe vieillissante ne peut se permettre de sacrifier sa jeunesse. Pour les gouvernements, réduire la fracture intergénérationnelle devrait être une priorité politique.

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par Philippe Maystadt

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