Ce qu’on devrait savoir d’elle

Avec le vieillissement de la population, un nombre croissant de cas d’ostéopo- rose sont à prévoir et, avec eux, les fractures spontanées. Pourtant, une enquête démontre que le public n’a pas un niveau de connaissance suffisant de cette maladie et, surtout, de ses causes

D’après l’Association belge des patients ostéoporotiques (ABO), dans le monde, 200 millions de personnes sont touchées par l’ostéoporose. Et 600 000 uniquement en Belgique.  » Parmi ceux-ci, 500 000 ignorent qu’elles sont concernées et elles n’en prendront conscience que lorsqu’elles subiront l’une de ses complications, notamment une fracture du bassin. Parmi ces patients qui connaissent leur état, nous estimons aussi que 20 % environ sont traités de manière optimale « , explique le Dr Christiane Pouliart, fondatrice de l’ABO. Pourtant, le risque de développer une ostéoporose augmente sans cesse dans notre population, du fait de son vieillissement. Or, s’il est vrai que cette maladie n’est pas  » grave  » en soi, ses conséquences peuvent néanmoins s’avérer particulièrement lourdes.

On pourrait comparer l’ostéoporose à un effritement excessif des os. En effet, notre squelette se régénère en permanence : puisque le tissu osseux se dégrade avec le temps, il est alors remplacé par du tissu osseux neuf. Ce processus naturel est facilité par une alimentation riche en calcium (il va participer directement à ce renouvellement), et en vitamine D (elle va contribuer à la fixation du calcium). L’activité physique est aussi un élément qui favorise ce renouvellement osseux. Jusqu’à 30 ans environ, ce processus se fait généralement harmonieusement, puisque davantage de tissu neuf est formé, ce qui a pour conséquence une augmentation de la masse osseuse : les os sont plus solides, parce que plus denses. Mais, après 45 ans, il y a davantage de dégradation du tissu osseux que de renouvellement. Aussi, petit à petit, les os se fragilisent. Ce phénomène est accéléré par la ménopause chez les femmes, les £strogènes freinant la résorption osseuse. En définitive, l’ostéoporose est un état de fragilité des os supérieure à la moyenne avec, pour conséquence, un risque accru de fracture des os.

Pour parler de cette maladie, l’ABO évoque une  » épidémie silencieuse « . En effet, les personnes qui en souffrent ne s’en rendent pas compte. Les seuls signes visibles sont le tassement des vertèbres ou des fractures diverses, comme, par exemple, celle du poignet. Mais celle de la hanche, qui touche, en Belgique, chaque année, 13 000 personnes, reste la plus grave. En effet, ses conséquences sont particulièrement préoccupantes : en plus d’engendrer une immobilisation et une hospitalisation dans l’immédiat, on constate qu’elles mènent très souvent à une issue plus funeste. Ainsi, 2 600 des personnes qui en ont été victimes décèdent dans l’année qui suit. A l’aune de tels chiffres, et en sachant que l’incidence de l’ostéoporose va augmenter, on comprend pourquoi les spécialistes parlent d’un  » problème de santé publique annoncé « .

En réalité, nous ne sommes pas tous égaux devant l’ostéoporose. Si l’âge est un facteur de risque majeur (plus on vieillit, plus notre squelette se dégrade), d’autres causes peuvent s’ajouter : la minceur, le manque d’activité physique, une consommation insuffisante de produits laitiers ou le tabagisme. Par ailleurs, si les femmes ont été ménopausées avant l’âge de 45 ans, si elles prennent certains traitements (comme les corticostéroïdes), ou si elles ont subi une fracture après l’âge de 50 ans, le risque sera encore augmenté.

Pourtant, comme le démontre l’enquête menée par Le Vif/L’Express, Knack, PlusMagazine et Télépro, ces principaux facteurs de risque sont encore méconnus de la population. Certes, après 3 116 interviews auprès de personnes âgées de plus de 51 ans, on constate que l’ostéoporose est une maladie bien connue de cette population. Il en va de même pour les moyens de l’identifier (94 % citent la densitométrie osseuse, le moyen le plus efficace pour évaluer la densité du squelette). En revanche, la connaissance des facteurs de risque s’avère nettement plus floue. En fait, les personnes interrogées associent davantage l’ostéoporose à ses conséquences qu’à ses causes. Ainsi, 84 % d’entre elles savent qu’elle est liée aux fractures. Néanmoins, si 80 % y raccrochent les carences en apport de calcium, seulement deux tiers citent aussi la ménopause, moment pourtant essentiel de la vie puisqu’il accélère la décalcification. De même, il est encore moins connu que la minceur peut favoriser l’ostéoporose (11 % citent ce facteur de risque). Plus étonnant : seulement un peu plus de 4 % des personnes interrogées parlent des femmes âgées comme étant à risque, alors qu’elles constituent la population la plus concernée. Enfin, l’enquête montre également que les conséquences des fractures sont sous-estimées, avec seulement 15 % des personnes interrogées qui sont conscientes qu’une invalidité importante peut en résulter.

Les mesures de prévention de cette maladie de l’âge mûr débutent, on l’aura compris, dès le plus jeune âge, durant toute l’enfance et même après. En effet, dès 10 ans au moins et jusqu’à 30 ans, la consommation régulière de produits laitiers et d’autres produits riches en calcium est essentielle. Mais la pratique régulière d’activités physiques est tout aussi importante. En effet, c’est à ce moment que nous constituons notre  » capital osseux  » : plus il sera élevé, moins nous courons de risque de souffrir d’ostéoporose, puisque le processus de décalcification normal prendra plus de temps à affaiblir une ossature forte. Les conseils de consommation régulière de produits riches en calcium et de pratique d’exercices physiques valent cependant encore après 30 ans…

Pour celles et ceux qui ont déjà atteint un certain âge et pour lesquels les simples moyens de prévention ne seront plus efficaces, d’autres pistes existent. Pour les femmes, le traitement hormonal substitutif (THS) a fait couler beaucoup d’encre, et une polémique le concernant est encore en cours. Néanmoins, avant de céder à la panique et de jeter les hormones à la poubelle, mieux vaut prendre le temps d’en discuter avec un médecin traitant. Et de retenir aussi qu’en la matière il n’existe pas de règle générale : les THS ont fait augmenter le taux de cancers du sein chez des patientes à risque, mais il est bon d’écouter un praticien apte à conseiller chaque femme en fonction de ses propres risques. Pour celles chez qui, en raison d’une crainte d’un développement d’un cancer du sein, le THS sera déconseillé, d’autres possibilités existent, comme les suppléments de calcium ou de vitamine D, des biphosphonates, des calcitonines et, dans les cas déjà avérés d’ostéoporose, des modulateurs sélectifs des récepteurs aux £strogènes. Leur intérêt sera donc à étudier au cas par cas avec le spécialiste.

Lorsque l’on aborde l’ostéoporose, il est le plus souvent question des femmes. Il est vrai qu’elles constituent la majeure partie des personnes à risque. Cependant, les hommes ne sont pas à l’abri. Actuellement, 1 homme sur 8 présente de l’ostéoporose. Avec le vieillissement de la population, ce chiffre devrait augmenter. En effet, chez eux, l’ostéoporose survient généralement bien plus tard dans la vie.  » Ils souffrent moins d’ostéoporose parce qu’ils ont des os plus denses, plus solides, moins poreux. Leur masse osseuse est donc plus importante. Par ailleurs, ils n’ont pas cet effet d’accélération de la perte osseuse qui accompagne la ménopause. Mais l’ostéoporose les frappe aussi. Elle peut être due, dans certains cas, à une déficience partielle d’androgènes qui accompagne le grand âge ou, aussi, à une consommation de stéroïdes, d’alcool, de tabac. Le tout ajouté à un apport insuffisant en calcium ou à l’inactivité physique « , ajoute le Pr Claude Schulman, chef du service d’urologie à l’hôpital Erasme, à Bruxelles. Il estime qu’en 2010, avec l’augmentation de l’espérance de vie, la fréquence de fractures du fémur chez les hommes et chez les femmes seront au même niveau…

Carine Maillard

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