Ce football très très américain

L’autre football, celui sans lequel les Etats-Unis ne seraient pas les Etats-Unis, est imprégné d’une culture qui le lui rend bien

Avec ses avancées de groupes, ses mesures méticuleuses, ses marquages au sol et ses cris de victoire à chaque centimètre gagné, le football américain répond visiblement plus à ce principe humain, né aux origines de l’humanité, qu’est l’appropriation de territoire, plutôt qu’au seul instinct de vaincre un adversaire.

Pensez. Dans la première phase du jeu, deux rangées d’hommes se font face. Sous leurs pieds, une portion de terrain striée, qu’ils semblent vouloir défendre. Derrière eux, un joueur plus mobile, qui court d’une extrémité à l’autre de l’alignement, dans un mouvement à la fois agaçant, propre à déstabiliser l’adversaire, et fascinant, parce que stratégique. Un peu plus loin, le lanceur, doté ou non, selon le principe d’alternance entre équipes, de la balle ovale, garde l’£il à tout, penché vers l’avant, en position de tir, ou s’enhardissant parfois à lever haut la tête, pour percevoir tout mouvement de troupes, imaginant déjà un lancer, une réception, la suite du jeu…

Puis la partie commence. Essai après essai – il y en a quatre en tout -, l’équipe détentrice du ballon se lance, corps – dûment protégé – dans l’arène, pour parvenir à marquer, par le dépôt ostensible du ballon, sa progression sur la partie de terrain adverse. Tout s’arrête alors – le ballon, les joueurs, les cris du public – et quelques-uns des sept arbitres s’animent, sortent mètres rubans et carnets de note, pour vérifier la distance parcourue. Parce qu’il faut obligatoirement avoir parcouru quelque 9 mètres pour garder son droit au ballon : 11 yards, plus précisément.

Le principe du jeu de mains – les pieds ne sont utilisés que pour transformer les essais en points marquants – reste donc foncièrement simple. Sa pratique, en revanche, apparaît des plus compliquées. Parce que, comme lors de toute invasion en terre convoitée, les conquérants tiennent à se montrer justes, patients et respectueux. Chaque Américain porte ce principe en ses gènes. Le multiple arbitrage, les nombreux arrêts de jeu (3 sont autorisés par équipe et par quart temps, en plus des pauses officielles entre chaque phase de jeu) sont autant de preuves qu’aucune victoire ne peut paraître usurpée, et que le résultat de la partie tient aussi dans cette authentification, qui ne peut s’obtenir qu’en accumulant les approbations en cours de route.

Les corps entrechoqués des coéquipiers, en cas de victoire avérée, ceux, frétillants, des pom-pom girls, comme autant de fiancées pour lesquelles la conquête s’effectue, ou ceux, bon- dissants, des supporters plus reconnaissants que fanatiques le montrent.

Un peuple se reconnaît

Surdiffusé d’un bout à l’autre du territoire américain, surexploité commercialement, les soirs de match connaissent un succès indémontable, grâce aux maintes rediffusions. Et c’est tout un peuple qui se reconnaît et qui clame bien haut les valeurs qui se perpétuent de génération en génération. En oubliant, pour quelques heures, l’horreur ressentie devant le constat que, dans la vraie vie, chefs d’équipes et arbitres ne respectent pas toujours les règles. Ce qui rend leurs prétendues victoires bien stériles.

Carline Taymans

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