CD&V : le retour ?

Le parti social-chrétien flamand semble avoir le vent en poupe. Il bénéficie manifestement de l’atonie de Verhofstadt II. Le phénix renaîtra-t-il de ses cendres en juin prochain ?

Les jours se suivent et ne se ressemblent pas. Au parti social-chrétien flamand, le moral était en capilotade depuis le mémorable scrutin législatif de 1999 signant sa relégation dans l’opposition, aux côtés de son petit frère francophone et des partis d’extrême droite. Celui de mai 2003 n’a rien arrangé : le déclin des partis à connotation confessionnelle paraissait inexorable.

Mais il suffit de peu de chose pour rendre le moral aux troupes. Depuis la publication d’un sondage sur les intentions de vote, le mois dernier, dans le quotidien flamand De Standaard, le CD&V a retrouvé un punch d’enfer. Ce sondage place, en effet, contre toute attente, le parti social-chrétien en tête du palmarès des partis flamands ! Il obtiendrait ainsi 24,5 % des intentions de vote, devant le SP.A (23,5 %), le VLD (22,5 %) et le Vlaams Blok (20 %). Depuis lors, le CD&V a formé un cartel avec la N-VA (créditée de 2,7 % des voix), la branche nationaliste issue de la défunte Volksunie. Même si l’opération risque de détourner vers le Vlaams Blok certains électeurs radicaux dépités par l’arrimage de la N-VA au CD&V, et si elle fera perdre des électeurs chrétiens à cause d’une ligne politique qu’ils considèrent trop à droite, elle se soldera quand même certainement par un petit gain chez les sociaux-chrétiens. Pour Yves Leterme, intronisé président du CD&V en juin dernier, les espoirs les plus fous sont permis : si les élections régionales du 18 juin confirmaient le retour en grâce des sociaux-chrétiens flamands auprès des électeurs, il briguerait la présidence du gouvernement flamand, actuellement exercée par le libéral Bart Somers. Mieux :  » S’il était impossible de former une majorité, en Flandre, sans le CD&V, celui-ci exigerait d’entrer au gouvernement fédéral « , déclare son président. Et, s’il se heurtait à un refus, cette situation déstabiliserait tellement l’attelage violet que l’on imagine mal comment ce dernier pourrait éviter une chute plus ou moins rapide et la tenue d’élections fédérales anticipées.  » En Belgique, le fédéralisme ne peut fonctionner que sur la base d’une étroite collaboration entre le niveau fédéral et les entités fédérées, explique Leterme. Laquelle serait rendue très difficile si les partis au pouvoir en Flandre et en Wallonie n’étaient pas également présents au sein du gouvernement fédéral.  »

Guy Verhofstadt n’en mène pas large : la tête de liste libérale pour les élections européennes – qui se tiendront en même temps que le scrutin régional – aura pour concurrent direct, sur la liste sociale-chrétienne, Jean-Luc Dehaene en personne, actuellement pointé comme la personnalité politique la plus populaire de Flandre.  » Si Verhofstadt, Premier ministre en exercice, recueillait effectivement moins de voix de préférence qu’un ancien Premier ministre, membre d’un parti de l’opposition, quel camouflet !  » lâche Leterme. Et, de fait, on voit mal comment il pourrait encaisser le choc et faire bonne figure en de telles circonstances… L’hypothèse d’un nouveau Premier ministre social-chrétien flamand est-elle, pour autant, imagi- nable ? Pas si vite : il y a fort à parier que le parti de Steve Stevaert, qui a réalisé un bond spectaculaire en mai 2003, récolterait les fruits de sa progression. Le SP.A aligne, de surcroît, quelques grandes carrures – Frank Vandenbroucke et, surtout, Johan Vande Lanotte – qui pourraient, sans rougir, prétendre au titre de Premier ministre.

Ce qui n’est pas le cas, actuellement, au CD&V. La preuve : la deuxième personnalité sociale-chrétienne citée dans le fameux sondage n’y figure qu’à la 10e place du hit-parade de popularité. Il s’agit de la jeune et brillante députée fédérale Inge Vervotte. Leterme, lui, arrive en 12e position, à égalité avec l’Anversois Filip Dewinter, du Vlaams Blok. De toute évidence, le CD&V manque de grandes pointures. Cela dit, le parti s’est clairement attelé au renouvellement et au rajeunissement de son personnel politique : depuis les dernières élections législatives, pas moins d’un tiers des députés sociaux-chrétiens flamands (7 sur 21) sont des  » petits nouveaux « . Un pari pour l’avenir ? Les élections du 18 juin prochain pourraient bien prouver à quel point il faut se garder de vendre la peau de l’ours avant de l’avoir tué…

Isabelle Philippon

Vous avez repéré une erreur ou disposez de plus d’infos? Signalez-le ici

Contenu partenaire