Carla Bruni-Sarkozy Les secrets de sa com’

Une maîtrise absolue de son image, des liens privilégiés avec les photographes, des facilités d’écriture : l’épouse du président est loin d’être une débutante.

Elise Karlin

Pas de doute, elle sait y faire. Il y a quelques semaines, Carla Sarkozy a invité un journaliste à déjeuner. Elle ne le connaissait pas – c’est un ami commun qui, à la demande de la femme du président, avait organisé la rencontre. Elle les a reçus chez elle, dans sa maison parisienne, comme deux vieux copains. Sans chichis, jusque dans l’habit : elle portait un pull-tunique sur un collant. Elle a préparé le repas, elle a servi à table, elle a papoté, elle a blagué, elle a raconté un peu l’Elysée. Sa simplicité, son naturel ont laissé le journaliste absolument sous le charme. Voilà qui tombe à pic ! Il est rédacteur en chef au Canard enchaîné, l’hebdomadaire satirique qui ne rate pas une occasion d’épingler le chef de l’Etat.

Non que les Sarkozy comptent désormais un allié dans la place. Simplement, à peine plus d’un mois après son mariage, Madame a noué un lien direct avec l’une des plumes du Canard. Le plus fort ? Ce n’est pas juste une belle opération de communication, c’est crédible : l’épouse de Nicolas Sarkozy, intellectuellement proche de la gauche bobo, apprécie depuis longtemps la prose du volatile. Elle n’a jamais caché qu’elle  » rigol[ait] bien  » en lisant, chaque semaine,  » Le journal de Carla B. « , chronique imaginaire de sa vie à l’Elysée publiée à la Une. D’ailleurs, Carla Sarkozy avait eu, déjà, l’idée d’un cliché diffusé dans Paris Match : assise sur le banc d’un jardin public, elle lisait Le Canard, sa guitare posée à son côté. Par la grâce d’une seule photo, elle réussissait, en utilisant adroitement un étui et du papier, à dessiner une première dame de France dégagée des codes étriqués du protocole, artiste, libre, non conformiste – décalée. Unique. Ex-top model, cette femme dont l’image fut le métier est une professionnelle de l’accessoire.

L’amateurisme l’exaspère. Le 23 février, Nicolas Sarkozy reçoit à l’Elysée la famille d’Ingrid Betancourt. Sans l’en avoir avertie au préalable, il demande à son épouse de les rejoindre, puis fait entrer les photographes. En couverture du Journal du dimanche, le lendemain, Carla Sarkozy semble à peine coiffée, un peu voûtée sur un divan, le regard perdu. A un ami qui s’étonne de ce cliché, elle explique qu’elle était en train de travailler lorsqu’on est venu la chercher, sans lui laisser quelques secondes pour un coup de peigne et, surtout, sans l’avertir de la présence des journalistes ! Habituée par des années de défilés à mettre en valeur le meilleur d’elle-même, elle ne dispose ni d’un coiffeur ni d’un maquilleur et s’apprête seule, sauf lorsqu’elle se déplace à Londres – parce que la reine d’Angleterre le vaut bien. Mais Carla Sarkozy exige désormais d’être briefée correctement, soucieuse d’apparaître au plus juste de l’instant : elle a ainsi fait rectifier légèrement le programme du déplacement en Afrique du Sud et, le 31 mars, elle a préparé avec Jean-David Levitte, le sherpa du président, celui prévu en Tunisie. Aussi habile qu’un caméléon, elle s’adapte à toutes les situations avec l’aisance et la facilité que lui a données une éducation dans un milieu bourgeois très privilégié.

Contacts directs avec les journalistes

Si le retentissement médiatique de son histoire avec l’homme le plus puissant de la République a pu la surprendre, au point de se laisser déborder, comme ce fut le cas avec les photos de son fils en Jordanie, elle gère la pression.  » Il n’est pas facile de sortir d’une voiture et d’avoir les caméras du monde entier qui vous regardent « , confiait Nicolas Sarkozy au cours de leur voyage à Londres. Pour une femme qui n’a jamais connu pareil déferlement, sans doute. Pas pour Carla Bruni, ex-étoile de la planète mode dont le métier consistait, précisément, à évoluer sans se troubler  » devant les caméras du monde entier « . Elle a appris à vivre sous observation, à repérer les photographes – pour mieux s’en préserver, elle les a même apprivoisés.

Ainsi, les plus fameux paparazzis sont ses amis, comme Pascal Rostain, qu’elle connaît depuis vingt ans et qu’elle appelle  » mon Pascalou « . Elle l’a choisi pour le reportage, publié dans Paris Match le 13 mars, qu’elle a accordé en épouse de président. Les coulisses du palais à la veille d’un dîner d’Etat : un passage obligé dans la communication d’une première dame qui veut s’imposer en maîtresse de maison. Carla Sarkozy s’est appliquée à doser l’image qu’elle souhaitait donner, chez elle à l’Elysée, sans paraître guindée :  » Surtout, viens sans assistante et sans pied. On fait naturel « , avait-elle précisé au photographe. De la cave au grenier, la visite a duré cinq heures, pour cinq clichés diffusés. Une série publiée dans le monde entier… Aucune image n’a été retouchée, assure Rostain. Sa camarade lui aurait simplement téléphoné pour le remercier et lui demander des tirages destinés au personnel de la rue du Faubourg-Saint-Honoré :  » Je te les paie, bien sûr.  » Il lui a fait cadeau de 80 photos, qu’elle a distribuées à tous les corps de métier immortalisés à son côté. Conquérir les c£urs de l’intérieur, gage de fidélité.

En quelques semaines, Carla Sarkozy a gommé l’image d’écervelée frivole, de  » croqueuse d’hommes  » qui l’empêchait d’entrer de plain-pied dans son rôle. D’abord, elle a privilégié le contact direct avec les journalistes, décrochant son téléphone lorsqu’un propos lui a déplu : Claude Perdriel, propriétaire du Nouvel Observateur, ou Vincent Régnier, directeur de la rédaction du Parisien, ont eu droit à ses appels. Elle a exigé de Régnier des excuses écrites après avoir été qualifiée de  » garce  » dans le quotidien, et les a obtenues.  » Je les ai demandées en tant que Carla Bruni, pas en tant que première dame de France « , dira-t-elle plus tard. Ensuite, elle a privilégié l’écrit pour crédibiliser ses interventions, avec la volonté de maîtriser jusqu’à la musique des mots. Une interview en couverture de L’Express, une tribune dans Le Monde, pour laquelle elle a obtenu un appel en Une, du sérieux, encore du sérieux, toujours du sérieux. Elle et Vanity Fair attendront.

Pas Paris Match. Le journal de  » l’actualité des gens célèbres  » consacre 20 pages, dans son numéro du 3 avril, au reportage d’un autre photographe qui compte parmi les amis de Carla Sarkozy, Claude Gassian. Il l’a suivie à Londres, invité personnel de Madame, observateur privilégié de rendez-vous au cours desquels personne d’autre que lui n’a saisi Carla Sarkozy. Les 14 tenues qu’elle avait choisies pour ce voyage officiel de quarante-huit heures au Royaume-Uni n’auront pas toutes servi, mais celles qu’elle a portées ont atteint l’effet désiré : personne ne doute plus de l’adéquation entre la femme et le statut. A ce degré de séduction, la conquête du pouvoir n’est plus un art, c’est une discipline. l

Elise Karlin

Vous avez repéré une erreur ou disposez de plus d’infos? Signalez-le ici

Contenu partenaire