» Cadeau  » fiscal au comte Solvay

Obtenir son  » brevet de noblesse  » n’a rien de gratuit : l’ardoise peut grimper jusqu’à 7 500 euros. Les anoblis moins nantis peuvent espérer une réduction fiscale. Les fortunés aussi : fait comte, Ernest-John Solvay y a eu droit.

Le royal cadeau peut être empoisonné pour des bourses trop peu garnies. Sans levée des lettres patentes de noblesse, pas d’anoblissement consommé. Mais pour obtenir ce  » brevet de noblesse « , il faut passer à la caisse. Et ce n’est pas Albert II qui règle la note.

Trois mille euros pour l’exécution du diplôme par un peintre héraldiste. Droits d’enregistrement : 740 euros par bénéficiaire, à acquitter par l’anobli et pour chacun de ses enfants qui le deviennent aussi. La note totale peut ainsi grimper jusqu’à 7 500 euros. A ce prix-là, certains préfèrent se passer de noblesse. A moins d’obtenir une réduction pour famille nombreuse. Ou de quémander la clémence du fisc.

 » Les personnes qui se plaignent le plus des frais encourus pour leur anoblissement font justement partie des fractions sociales les plus aisées !  » relève Valérie d’Alkemade.

Un très bon client semble lui avoir jadis donné raison. Ce 28 mars 1969, un nom qui vaut son pesant d’or s’invite au Conseil des ministres : Ernest-John Solvay de La Hulpe attend une réduction de ses droits d’enregistrement.  » Etonnement  » de certains ministres, relève le PV de séance (voir ci-dessous). Le petit-fils du célèbre fondateur de la soude industrielle n’est pas vraiment homme à vivre sur la paille.

Les ministres :  » On craint que ce qui devait être l’exception ne devienne la règle  »

Mais pour quelqu’un qui vient de faire don à l’Etat belge du château de La Hulpe, la pilule fiscale à avaler pour obtenir son anoblissement doit lui rester en travers de la gorge. Ministre des Affaires étrangères, Pierre Harmel (PSC) demande un peu de compréhension :  » M. Solvay avait d’abord refusé  » la faveur nobiliaire, tout comme ses fils. Le comte Solvay paiera 5 000 francs, et on n’en parle plus.

Tout au long des années 1960 et 1970, les demandes de réduction de droits d’enregistrement atterrissent ainsi régulièrement en Conseil des ministres. Tantôt ça passe, tantôt ça casse. Sans aucune forme d’explications consignées dans les PV de séance. Or certains noms ne trahissent pas une humble condition financière.

Ce ballet finit par troubler des ministres.  » On craint que ce qui devait être l’exception ne devienne la règle « , rapporte le PV d’un Conseil des ministres, saisi d’un nouveau cas en septembre 1969. Dix ans plus tard, le manège était toujours en cours, malgré la volonté répétée d’y mettre un terme.

De l’histoire ancienne ? Invités à fouiller dans leur mémoire, d’anciens ministres avouent ne plus s’en souvenir. Les Affaires étrangères et les Finances n’ont pas donné suite aux sollicitations du Vif/L’Express.

P. HX

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