Bruxelles dans la tourmente

Guy Verstraeten
Guy Verstraeten Journaliste télé

Entre les privations, les attentats et les divertissements glanés dès que possible, la capitale a traversé la Seconde Guerre en rencontrant son lot de douleurs et de difficultés. Comme ailleurs. Mais à plus grande échelle.

Quand les Allemands foulent le sol bruxellois, le 17 mai 1940, la ville a déjà subi les foudres des bombardiers de Hitler. Dès les 10 mai, en effet, les avions allemands lancent leurs premiers assauts sur Bruxelles, causant de nombreux dégâts dans divers quartiers et fragilisant l’aérodrome d’Evere. Rapidement, comme dans bien d’autres grandes agglomérations belges, ces terribles secousses poussent les habitants à prendre la route de l’exode. Il faut attendre les chaleurs de l’été pour que les foyers bruxellois se repeuplent. Le gouvernement aussi a quitté le navire.

A cette époque, Bruxelles englobe 19 communes. Ce qui peut paraître naturel aujourd’hui, mais ce n’était pas tellement le cas à l’époque :  » En principe, elles étaient au nombre de 16 mais, durant l’Occupation, c’est un Bruxelles composé de 19 communes qui est pris en compte, explique l’historienne Chantal Kesteloot, du Ceges (Centre d’Etudes et de documentation Guerre et Sociétés contemporaines). A la veille de la Seconde Guerre, la capitale compte près de 900 000 habitants, ce qui représente 15 % de la population totale de la Belgique. Sur le plan politique, des bourgmestres libéraux dirigent une majorité de ces communes, même si les socialistes prennent progressivement pied dans les collèges bruxellois : Anderlecht est ainsi la première commune aux mains d’une majorité absolue socialiste à partir de 1938. « 

C’est donc assez logiquement que l’on retrouve, à la tête de la plus grande commune de l’agglomération, un mayeur libéral, Joseph Van de Meulebroeck. A la tête de la Conférence des bourgmestres, il est chargé de centraliser la voix des entités locales, et de servir de réceptacle aux exigences allemandes. La fusion des communes, qui donnera naissance au Grand Bruxelles, aura lieu le 27 septembre 1942. Et c’est un collège d’Ordre nouveau qui sera mis en place par l’occupant : le VNV Jan Grauls ceindra l’écharpe mayorale, et la flamandisation de la capitale s’accentuera…

37 % des juifs déportés

En attendant, sur l’hôtel de ville de Bruxelles flotte, dès le 17 mai, le drapeau nazi… Le relais administratif du gouvernement militaire, l’Oberfeldkommandantur, est bien évidemment installé dans la capitale. Une capitale où les Allemands se plaisent non seulement à démontrer leur force (de nombreuses parades sont organisées le long des artères emblématiques de Bruxelles), mais également à profiter de la ville en touristes, quand le temps s’y prête.  » La première impression laissée est bien différente de celle de 1914 : les Allemands sont polis, courtois, loin de l’image des Teutons de la Première Guerre, qui est douloureusement restée dans les mémoires « , relate Chantal Kesteloot.

La vie quotidienne n’a rien d’attrayant, même si les cinémas, les lieux de spectacles en tout genre et les exploits sportifs permettent à la population de se changer les idées. Dès le mois d’août 1940, le rationnement est imposé. Pour contourner ces manques, des potagers de fortune sont installés dans les parcs de la ville. La population, comme partout ailleurs en Belgique, s’accommode de l’Occupation, même si, grosse agglomération oblige, les tensions avec les Allemands vont finir par se multiplier. Pourtant, les attentats anti-teutons seront moins nombreux que ceux perpétrés contre les collaborateurs :  » Cela s’explique à la fois par le fait que les collaborateurs, considérés comme des traîtres à leur patrie, sont encore plus haïs que les Allemands. Mais aussi parce que le prix à payer pour ces attentats contre les forces occupantes est très lourd en termes de représailles « , lance encore l’historienne.

Les juifs, de leur côté, ne tarderont pas à rencontrer la haine. Sommés dans un premier temps (dès l’automne 1940) de s’inscrire sur des registres, ils seront par la suite interdits de fonction publique, puis bannis de certains lieux. Le port de l’étoile intervient en mai 1942 : contrairement à Anvers, Bruxelles finit par refuser de distribuer ces étoiles. Beaucoup de juifs empruntent alors la voie de la clandestinité : c’est peut-être ce qui explique que  » seulement  » 37 % de la population juive bruxelloise est déportée, quand près du double l’est à Anvers.

Quand les Alliés finissent par débarquer

Dans le courant de l’année 1943, les rues de Bruxelles seront à nouveau frappées par des bombardements. Les Alliés préparent en effet leur offensive. La population, elle, est terrorisée par ces attaques qui font de nombreuses victimes. Il en est ainsi du 7 septembre, quand près de 300 personnes périront sous les bombes anglo-américaines dans les communes d’Evere, Etterbeek et Ixelles. Cette préparation meurtrière finira néanmoins par porter ses fruits :  » L’issue du conflit semble de plus en plus claire et, à l’annonce de la Libération de Paris, le 25 août 1944, l’impatience monte partout en Belgique. Certains signes ne trompent pas, la nervosité des Allemands augmente de même que les exactions commises par les collaborateurs : on tire dans les rues. Bientôt, les Allemands prennent la fuite par tous les moyens dont ils disposent. Le 3 septembre, ils mettent le feu au Palais de Justice pour tenter de faire disparaître les documents les plus compromettants. La population tente de sauver ce qui peut l’être… Les troupes anglaises sont les premières à pénétrer dans la capitale, avec la brigade Piron dans leur sillage. Les scènes de liesse se multiplient le long des boulevards du centre, des femmes montent sur les chars, embrassent les libérateurs. A nouveau, les mêmes lieux visités et revisités par les occupants et les collaborateurs « , conclut Chantal Kesteloot.

Malgré toutes les démarches entreprises, l’auteur n’a pas pu retrouver l’origine de certaines photographies. S’ils se reconnaissent, les ayants droit de ces photos peuvent prendre contact avec la rédaction.

GUY VERSTRAETEN

En 1943, les attaques meurtrières des Alliés terrorisent la population, mais finiront par porter leurs fruits

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