Brad Pitt star, mais pas trop

Il fait la Une de la presse people au bras d’Angelina Jolie. Mais il ne faudrait pas oublier qu’il est aussi un acteur. Et un bon. Vu chez David Fincher, Quentin Tarantino et, aujourd’hui, Terrence Malick, avec The Tree of Life, le film événement du moment. Entretien plaisir avec l’une des grandes têtes d’affiche de Hollywood.

Jeudi 14 avril. Dans ce studio désert de Los Angeles, il est seul. Sans assistants, sans gardes du corps. Les pauses cigarette se font sur le parking. Brad a le temps, Brad parle longuement, Brad se laisse photographier sans poser de question et sans conditions. Il évoque The Tree of Life, de Terrence Malick, dans lequel il joue et qu’il a coproduit. Un des films les plus attendus du Festival de Cannes, en salles depuis mercredi 18. Pitt réfléchit, Pitt sourit, Pitt défend sa passion du cinéma. Il y a des jours, comme ça, où tout se passe bien.

Le Vif/L’Express : Comment définiriez-vous The Tree of Life ?

Brad Pitt : Le film suit le parcours de trois frères qui évoluent entre une mère aimante, laquelle représente la bonté la plus pure, et un père [son personnage] oppressé par sa vie, qui ramène sa rancune chez lui, quitte à devenir violent par moments. C’est la première opposition du film.

Et ce n’est pas la seuleà

Avec Terrence, en effet, les thèmes sont divers mais toujours intimement liés. C’est aussi un film sur la tragédie de la mort. The Tree of Life évoque également l’infiniment grand et l’infiniment petit. Quand Terrence y offre sa  » version « , si je puis dire, de la création de l’Univers, c’est aussi pour mieux illustrer l’inclination humaine pour l’autodestruction. La religion est un autre sujet du film, que Malick situe d’ailleurs dans le sud des Etats-Unis, dans des terres qui sont encore très croyantes. Pour Terrence, l’être humain est tellement faillible qu’il ne peut vivre qu’en tentant de se protéger des autres. Tous les personnages sont dans cette logique. Le film évoque enfin la société américaine, notamment celle des années 1950, et l’essor économique qui a plongé notre pays dans une certaine dureté.

Pourquoi êtes-vous devenu coproducteur du film ?

Je ne vais pas vous faire le coup du producteur totalement désintéressé par les questions financières, même si je dois encore faire des progrès en la matière. Mon but est tout simplement d’aider des films à pouvoir se monter.

Au sein de Plan B, votre société de production, vous avez aidé des films comme Un c£ur invaincu, de Michael Winterbottom, Les Infiltrés, de Martin Scorsese, ou Kick-Ass, de Matthew Vaughn. Il est quand même étonnant qu’une star comme vous devienne producteur de films indépendantsà

Ce sont des coups de c£ur. Je ne vois pas comment j’aurais pu ne pas aider Un c£ur invaincu à se monter [sur l’affaire Daniel Pearl]. Il doit y avoir de la place pour tout le monde. Pour un cinéma dur comme celui de Winterbottom et pour un cinéma distrayant mais irrévérencieux style Kick-Ass. Pour Les Infiltrés, en revanche, nous avons été à l’origine du projet. Puis, une fois Martin Scorsese dans la ronde, nous nous sommes retirés, car le film pouvait voler de ses propres ailes.

Voici quelques noms de réalisateurs et quelques titres de films pour tenter de comprendre ce qui motive vos choix de carrièreà On commence avec Guy Ritchie (Snatch).

J’essaie toujours de découvrir des univers. C’est ce qui m’enrichit. Et le sien m’avait vraiment attiré. Le cinéma de Guy ne ressemble à aucun autre. Je pense être assez futé pour préférer travailler avec des metteurs en scène qui le sont beaucoup plus que moi. C’est peut-être là que réside ma différence.

Steven Soderbergh (la saga des Ocean’sà) ?

C’est la même chose. Tous ces gens ont développé leur propre langage de cinéma. Soderbergh est un type qui n’a de cesse de repousser ses limites, d’aller explorer des terrains qu’il ne connaît pas.

Quentin Tarantino et Inglourious Basterds ?

Je dis souvent que Tarantino est un dieu, que son plateau est un paradis et que tous les hérétiques y sont interdits d’accès. Y a-t-il quelqu’un de plus original que lui, de plus singulier ? Il nourrit ses films de sa propre personnalité et de sa propre folie. Je ne devrais peut-être pas vous le dire, mais Quentin a une idée hilarante pour une éventuelle suite d’ Inglourious Basterds. C’est complètement dingue ! Je ne sais même pas s’il le fera un jour.

Enfin David Fincher, avec qui vous avez tourné Seven, Fight Club et L’Etrange Histoire de Benjamin Buttonà

C’est sûrement celui dont je suis le plus proche. Nous avons plus ou moins été révélés au même moment, avons suivi des parcours similaires, avons grandi ensemble. C’est un réalisateur à part, obsédé par la précision, les détails. Et c’est un esprit parmi les plus inventifs qui soient.

Et maintenant, quelques films. Tout d’abord, L’Armée des 12 singes, de Terry Gilliamà

Ce film était un challenge personnel. Je voulais savoir si je pouvais aller au bout de ce personnage un peu dérangé. Terry m’a beaucoup aidé. J’étais arrivé à un point dans ma carrière où je ne voulais plus être catalogué, même si, malheureusement, je le suis encore aujourd’hui. J’ai fait ce film en réaction à ce que je vivais à l’époque. Et, surtout, je voulais tenter des expériences différentes au cinéma.

Babel, d’Alejandro Gonzales Iñarritu ?

Là encore, comment dire non à un tel metteur en scène ? J’aime les réalisateurs qui ont leur propre univers. Mais ce qui m’a attiré à la lecture du scénario, c’est que le film trouvait sa force dans une myriade d’histoires qui s’entrechoquent.

Ennemis rapprochés, d’Alan J. Pakula, n’est, lui, pas forcément un bon souvenirà

Non, effectivement, ce n’est pas un bon souvenir. Le film a été dur à faire et ce n’était pas un moment très confortable pour moi. Je tentais pour la première fois de jouer un personnage étranger [un Irlandais de l’IRA], j’ai dû apprendre à parler avec un accent, et puis le film avait un contenu politique intéressant. Mais le tournage s’est mal passé. Il y a eu beaucoup d’incompréhension de part et d’autre et j’ai perdu mes repères. J’ai appris de cette expérience à quel point le système hollywoodien pouvait corrompre un beau projet.

A l’inverse, quand vous acceptez Mr. & Mrs. Smith, c’est juste pour le plaisir ?

J’aime les films distrayants et, tout simplement, le scénario m’a fait énormément rire. Ce couple qui n’a de cesse de vouloir se tuer était une bonne idée et j’ai pensé que cela pouvait donner quelque chose de bien. Désormais, c’est mon film préféré [il y a rencontré sa future femme, Angelina Jolie].

Quel cinéma aimez-vous, comme spectateur ?

Même si plus j’avance, plus je connais les trucs du cinéma, je veux qu’un film me surprenne. Je suis attiré par les acteurs qui prennent des risques et par les metteurs en scène qui trouvent de nouvelles choses. There Will Be Blood, l’histoire de cet homme qui ne vit que par la haine, m’a fasciné. Je ne sais pas quelles étaient les intentions de Paul Thomas Anderson, mais ce film est une merveille. J’aime les gens qui repoussent les limitesà Vous allez finir par me faire passer pour un intello, alors que j’aime toutes sortes d’histoires.

Etes-vous fier de votre carrière ?

Oui. Depuis que je suis père, j’évolue dans mes choix. J’ai sûrement accepté certains rôles que j’aurais dû refuser. Mais je suis heureux d’avoir travaillé avec David Fincher et Terrence Malick. Franchement, je me considère comme très chanceux et ce serait vraiment déplacé de me plaindre, vous ne trouvez pas ?

The Tree of Life, de Terrence Malick. En salles.

PROPOS RECUEILLIS PAR FABRICE LECLERC

Vous avez repéré une erreur ou disposez de plus d’infos? Signalez-le ici

Contenu partenaire