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Bouchez, Hedebouw, Dermine: mensonges du troisième type

Nicolas De Decker
Nicolas De Decker Journaliste au Vif

On a beau prétendre qu’il ne faut pas réduire les gens à leurs origines, il y a, dans la façon qu’ont de mentir les trois mâles blancs à qui l’avenir promet les places les plus importantes dans la politique francophone, quelque chose d’un déterminisme sociologique.

De ce qu’un usage impropre, et déshonorant pour la postérité, le grand Diogène de Sinope appellerait leur cynisme, il est possible de tirer le fil d’une généalogie sociale.

De ces trois sociotypes découlent des mensonges de trois types.

Georges-Louis Bouchez a 36 ans, il est originaire de Mons et ses parents sont de petits indépendants. Ils se sont faits tout seuls, dans une forme d’hostilité aux mouvements sociaux et aux luttes collectives, et ils ont compté chaque franc pour s’élever. Lorsque leur fils unique ment, c’est par profit immédiat, dans un réflexe revanchard de petit enfant seul contre tous.

Il le fait avec une telle certitude de sa supériorité qu’il n’a même pas conscience de l’ostentatoire de sa propre fausseté.

Lorsqu’on la remarque, c’est parce que les autres lui sont hostiles, pas parce qu’ils ont raison. Quand Georges-Louis Bouchez conteste, agressivement toujours, une vérité qui le dérange, devant même les preuves matérielles de leur existence, lorsqu’il maintient par exemple avoir toujours dit quelque chose alors qu’il avait juste avant dit son contraire, il a le mensonge boutiquier.

D’une façon de mentir, il est possible de tirer le fil d’une généalogie sociale.

Raoul Hedebouw a 45 ans, il est originaire de Liège, où ses parents sont venus, issus de la classe moyenne éduquée et catholique flamande, pour convertir le prolétariat wallon au maoïsme conquérant. Ils ont effacé leur propre personne sous une cause qu’ils pensaient plus grande qu’eux, à laquelle ils ont consacré toute leur existence terrestre. Ils trouvaient juste de commettre un mal plus petit s’il faisait avancer le plus grand bien poursuivi, et lorsque leur fils ment, c’est qu’il y a déjà pensé.

C’est un calcul froid de prosélyte prêt à tout, mais surtout au surjeu dans la chaleur, parce que, pour les besoins de la cause, toutes les hyperboles émotionnelles sont permises, et qu’ensemble, ses camarades et lui, ils ont estimé que rien n’était jamais trop gros pour énerver le petit peuple.

Quand Raoul Hedebouw ignore délibérément, en souriant, les observations factuelles qui le contredisent, il a le mensonge planifié.

De ces deux mensonges grossiers, facilement détectables pour celui qui ne compte pas parmi les idolâtres partisans, le mensonge du troisième type est une espèce de cousin bien né, comme l’est Thomas Dermine.

Il a 36 ans, il est originaire de Charleroi, et ses parents, de la belle bourgeoisie locale, l’ont envoyé dans les meilleures écoles, où il n’a gardé que d’excellents amis et des professeurs aimants. Lorsque leur fils ment, il n’est pas vindicatif ni agressif. Il a le mensonge naturel car son contact est plaisant, et que ceux à qui il invente une histoire se sentent gâtés de l’entendre.

Comme lorsqu’il fait croire qu’il a ramené Legoland alors qu’il y était en fait opposé, ou qu’il se prévaut d’une thèse de doctorat quand c’est un mémoire de licence qu’il a rendu, comme dans La Nouvelle Gazette du 20 septembre.

Thomas Dermine a le mensonge aristocratique du capitaine de l’équipe d’aviron d’une public school britannique. Le mensonge propre sur lui de celui qu’on a envie de croire parce qu’il paraît plus légitime.

C’est ce qui pourrait bien le rendre encore plus dangereux que ses deux homologues mâles blancs.

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