Bossi Fin de parti ?

Après Berlusconi, le patron de la Ligue du Nord tombe à son tour. Le scandale qui frappe le ténor du séparatisme lombard pourrait bien accélérer la recomposition du jeu politique.

La tragi-comédie est un genre qui se porte bien dans la vie politique italienne. En novembre 2011, Silvio Berlusconi, 75 ans, quitte le pouvoir sous les lazzis : il est lâché par les Européens qui font de son départ une condition pour voler au secours de l’Italie attaquée par les marchés. Cruel revers, le magnat, naguère l’homme le plus riche de son pays, tombe victime du mur de l’argent. Le 5 avril, c’est l’autre  » caïman « , pour reprendre l’image du cinéaste Nanni Moretti, qui fait ses adieux. Umberto Bossi, 70 ans, fondateur et patron à poigne de la Ligue du Nord, annonce, entre deux sanglots, qu’il abandonne la  » direction opérationnelle  » de son mouvement. L’homme qui a bâti sa fortune politique sur la dénonciation de  » Rome la voleuse  » et la promesse de libérer le Nord, supposé vertueux, d’un Sud corrupteur, aurait profité de malversations. Des magistrats de Rome, Milan et Reggio di Calabria ont mis en examen le trésorier du mouvement, Francesco Belsito, un ancien videur de boîte de nuit, pour fraude, détournement de fonds et blanchiment d’argent : il aurait tenu caisse ouverte pour la famille et les intimes du chef. Frais de scolarité, voitures de luxe, travaux immobiliers : les subventions publiques reçues par le parti servaient aux dépenses privées du clan. Les enquêteurs s’interrogent aussi sur de curieux investissements en Tanzanie et à Chypre. Les magistrats envisageraient même, ultime ironie, l’hypothèse d’un recyclage d’argent sale en provenance de la mafia calabraise, la redoutable ‘Ndranghetaà Les Bossi, père et fils, affirment qu’ils ignoraient l’origine des fonds dont ils ont bénéficié.  » Le dauphin « , Renzo, 23 ans, a toutefois abandonné son mandat électoral, le 9 avril.

A l’intérieur de son parti, il faisait régner la terreur

Un cycle se clôt. Il s’était ouvert au début des années 1990, avec d’une part l’effondrement moral de la démocratie chrétienne et du socialisme italiens, minés par l’emprise de la mafia et la corruption, et d’autre part, l’implosion idéologique du communisme. De ces ruines, avaient surgi Berlusconi et ses conflits d’intérêts, Bossi le sécessionniste et la menace d’un éclatement de l’unité italienne.

Bossi était outrancier, brutal, ordurier. A l’intérieur de son parti, il faisait régner la terreur, prompt à expulser chaque détracteur. A l’extérieur, il monnayait durement son appui au Parlement. La Ligue, qui rassemblait, aux dernières élections de 2008, 8,3 % des suffrages nationaux, concentrés dans les riches plaines de Lombardie et de Vénétie, peut-elle survivre à l’effacement de son mentor ? Face à l’actuel gouvernement  » technocratique  » de Mario Monti, soutenu par la droite, le centre et le centre gauche, le mouvement fait figure de seul opposant de poids. Lors du prochain scrutin législatif, prévu en 2013, les cartes du jeu pourraient s’en trouver rebattues. Le scandale bénéficierait alors aux autres formations si le parti éclatait sous le poids des dissensions internes. Les élections locales des 6 et 7 mai serviront à cet égard de test. A moyen terme, la mort de la Ligue pourrait annoncer la résurrection d’un grand mouvement de centre droit, réformiste et libéral, capable d’établir, enfin, un Etat de droit dans le Mezzogiorno, ce Sud livré à tous les trafics. C’est ce que demandent, après tout, nombre d’électeurs de la Ligue. Cela supposerait de trouver un leader au charisme incontesté. Mario Monti, 69 ans, peut être celui-là. Certes, jusqu’à présent, il a toujours juré ne pas vouloir entamer une vraie carrière politique. Mais la chronique italienne n’est qu’une cavalcade de coups de théâtre.

JEAN-MICHEL DEMETZ

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