Bon appétit bien sûr

Michel Verlinden
Michel Verlinden Journaliste

Un coup de pied dans la fourmilière des saveurs douces et sucrées : l’acide fait une entrée vivifiante dans nos assiettes.

La  » fraîcheur « . 2014 n’a eu que ce mot-là à la bouche. C’est que l’acidité est devenue le réveille-papilles audacieux d’une époque qui fuit le sucre pour cause de mauvaise conscience mais qui dans le même temps craint l’amertume pour des raisons qui remontent sans doute à la nuit des temps. Si on en croit l’écrivain gastronomique français Bénédict Beaugé, qui vient de signer aux éditions Argol un ouvrage sur le sujet (1),  » (…) le sucré et le gras habillent un plat, l’acide, de par la vivacité qu’il apporte, en constitue le squelette. Avec lui, on entre dans le coeur du plat, dans son identité structurante.  » Pas de doute, les chefs ont pris la pleine mesure de cette dimension en la servant à toutes les sauces. Plusieurs facteurs ont participé à cet engouement. Parmi les faits marquants, on pointera l’émergence de nouveaux fournisseurs soucieux de proposer aux cuisiniers des produits inédits et de grande qualité, porteurs de cette saveur. Ainsi de la Pépinière Bachès, située à Eus, en terre catalane française, prisée tant dans les cuisines hexagonales que belges. Cette adresse s’est spécialisée depuis une vingtaine d’années dans les agrumes. Les propriétaires, Bénédicte et Michel Bachès, parcourent le monde pour ramener oranges rayées du Brésil, kumquats longs ou mandarines  » Satsuma « . Ensemble, ce duo a largement contribué à faire connaître des perles sures comme la main de Bouddha (photo), soit le Citrus medica Digitata, un fruit originaire du Sud-Est de l’Asie, ou encore les reflets rose brillant du Citrus australa sica, le citron caviar dont l’intérieur est composé d’une multitude de vésicules colorées semblables à de petites perles. Les Bachès ont rappelé une évidence à ceux qui l’avaient oubliée : les plantes que le couple cultive aiment davantage l’eau que le soleil, leurs racines sont plus tropicales que méditerranéennes, et certaines espèces ne craignent pas le froid car elles peuvent résister jusqu’à des températures allant de – 4 à – 12 °C. Une donnée qui ouvre la porte aux circuits-courts et à une intensification de la présence de ces denrées dans nos plats. A noter aussi parmi les éléments ayant favorisé l’émergence de ce goût tranchant, le rôle de la gastronomie péruvienne, vers laquelle se tournent aujourd’hui tous les regards. De Lima à Cuzco, en passant par l’Amazonie, ce pays voue un culte à l’acidité comme en témoigne de façon on ne peut plus évidente le ceviche, ce mets local fait de poisson cru mariné. Enfin, chez nous, les chefs s’intéressent également à un pan unique de notre patrimoine national tombé en désuétude : la gueuze. Naturellement acide, cette bière fait des merveilles en sauce ou dans un velouté aux chicons de pleine terre et crevettes grises. Un délice signé Michel Borsy, chef du bistrot urbain Gaspar, à Bruxelles.

(1) L’acide, neuf portraits d’assiettes, par Bénédicte Beaugé, Argol.

MICHEL VERLINDEN

Le réveille-papilles d’une époque qui fuit le sucre

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