Black Velvet

Louis Danvers
Louis Danvers Journaliste cinéma

David Lynch joue en profondeur dans un Inland Empire cauchemardesque et captivant, où il retrouve Laura Dern, qu’il avait jadis révélée dans Blue Velvet

« Welcome to my nightmare !  » chantait Alice Cooper au milieu des années 1970, à l’heure où un jeune cinéaste expérimental préparait lui-même le cauchemar éveillé, surréaliste sans forcément le savoir, d’ Eraserhead. Trente ans plus tard, David Lynch nous accueille toujours volontiers dans ses rêves inquiétants, ouvrant en partage son univers de vénéneux onirisme. Renouant avec sa meilleure veine, la plus aventureuse et la moins narrative, l’auteur de Blue Velvet et de Sailor et Lula retrouve aujourd’hui l’interprète de ces bijoux sauvages pour un Inland Empire aussi sombre et terrifiant que bouleversant et beau.

L’actrice y joue… une actrice, dans un Hollywood où fiction et réalité entretiennent, un peu comme dans Mulholland Drive, de bien troubles rapports. Nikki Grace (ah ! ce don de Lynch pour nommer ses personnages !) y reçoit la visite d’une dame mystérieuse, au fort accent est-européen, qui lui révèle de noires et sibyllines prédictions. Tentant d’oublier cette apparition sinistre, la comédienne apprend qu’elle a obtenu le rôle qu’elle convoitait, dans un film dont elle ne sait pas encore qu’il est le remake d’un autre, qui ne fut jamais achevé à la suite d’événements terribles…

Nous voici bel et bien en territoire  » lynchien « . Où le déroulement à la fois tortueux et rigoureux d’ Inland Empire va nous faire descendre de plus en plus profondément. Ceux que l’étrangeté de Lynch ne touche et n’intéresse qu’à la condition d’être accompagnée d’un semblant de récit logique resteront probablement sur le seuil. Mais les autres, acceptant le voyage, iront au-devant d’une expérience en tout point captivante. Sur le chemin d’un accomplissement artistique, qui sera simultanément une plongée dans un enfer intime, Nikki Grace sera l’Alice transfigurée d’un pays imaginaire où l’espace et le temps ne répondent à aucune loi rationnelle. Au-delà du miroir, où il a emmené sa formidable interprète, David Lynch offre l’expérience intense d’un film organique, où la texture devient texte, et la très contestable opposition entre physique et mental s’abolit de façon stupéfiante. Il y remonte à la source de son art, et y retrouve avec un bonheur angoissé quelque chose de la magie brute, originelle, du cinéma.

Louis Danvers

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